Le premier
fascicule des Mots et phrases indique : « “Ainsi” se rapporte à
la substance du Dharma entendu ». Les Notes précisent : « S’il
ne s’agissait pas de l’“ainsi” du (sutra qui) surpasse les huit (enseignements),
comment pourrait-il être ce qui est entendu de ce sutra ?” Le titre du
Sutra de l’Ornementation fleurie indique : “Sutra de l’Ornementation
fleurie du Bouddha ayant atteint la vérité éternelle et universelle. Ainsi
ai-je entendu”. “Sutra de la paramita de la grande sagesse. Ainsi ai-je
entendu”. Le titre du sutra Maha Vairocana indique aussi : “Sutra de la
Divine transformation par le pouvoir mystique de Maha Vairocana. Ainsi ai-je
entendu”. Si l’on se demande quel est l’ainsi de tous les sutra, il
s’agit de l’ainsi du sutra dont le titre précède “ainsi”. Quel que
soit le sutra, l’Éveillé désigna par son titre, le principe qu’il prêchait.
Lorsque, après l’extinction du Bouddha, Ananda, Manjusri, Vajrasattva, se réunirent
en concile, ils prononcèrent : “ainsi ai-je entendu” après avoir révélé
le nom du sutra. L’essentiel d’un sutra est contenu dans son titre. Prenons
par exemple le pays appelé Sindhu. Il est constitué de soixante-dix petits
pays sur neuf cent mille lieues. Les hommes et les animaux, les végétaux, les
montagnes et les rivières, la terre, tous sont clairement contenus dans son nom :
l’Inde. Par exemple, sous les quatre cieux, il y a quatre continents.
L’infinité de tous les êtres se reflète dans la lune sans pouvoir se
dissimuler.
Il en est de même
pour les sutra. Les doctrines contenues dans un sutra sont exprimées dans son
titre. Le titre des sutra Agama contient le principe de l’impermanence,
quintessence de ces sutra. Ce principe est cent, mille, dix mille fois supérieur
aux deux idéogrammes “A” et “U” faisant partie du titre des livres des
voies extérieures. Entendant le titre des sutra Agama, les quatre-vingt quinze
sortes de voies extérieures rejetèrent leur attachement à l’hérésie et se
dirigèrent vers la voie de l’impermanence. Entendant le titre des sutra de la
sagesse, on s’éveille aux doctrines de la vacuité substantielle, de la médianité
simple et de la médianité non-simple. Ceux qui entendent le titre du Sutra de
l’Ornementation fleurie s’éveillent à la médianité simple et à la médianité
non-simple. Ceux qui entendent le titre du Sutra Dainichi, des sutra aux
doctrines diverses et des sutra de la sagesse s’éveillent soit au principe de
la vacuité analytique, soit à celui de la vacuité substantielle, soit à
celui de la vacuité simple, ou encore à celui de la vacuité non-simple, ou au
principe de la médianité simple ou de la médianité non-simple. Ils n’ont
cependant pas encore entendu les œuvres et vertus de l’éveil merveilleux de
la présence mutuelle des dix mondes, cent mondes, mille ainsi, trois mille
domaines. Tant que ce principe n’a pas été prêché, ils ne sont qu’hommes
ordinaires au degré de l’identité de principe extérieure au Sutra du Lotus.
Les Bouddha et bodhisattva (mentionnés dans) ces sutra ne parviennent pas
encore au degré de l’identité de dénomination du Sutra du Lotus. A plus
forte raison, sans en réciter le Titre, comment pourraient-ils parvenir à
l’identité de contemplation ? Pour cette raison, le grand maître Miaolo
écrivit dans ses notes : « S’il ne s’agissait pas de
l’“ainsi” du (sutra qui) surpasse les huit (enseignements), comment
pourrait-il être ce qui est entendu du sutra ? » Les Titres de tous
les autres sutra font partie des huit enseignements. Ils sont comme les mailles
d’un filet. Le Titre de ce sutra surpasse les mailles du filet des huit
enseignements, il en est la grande corde.
A
présent, ceux qui prononcent Myôhôrengekyô, même s’ils n’en
connaissent pas le cœur, non seulement obtiennent (le cœur du) Sutra du Lotus,
mais de surcroît, s’éveillent à la grande corde de (l’enseignement développé)
tout au long de la vie du Bouddha. Ainsi, un prince âgé d’un an, de deux ans
ou de trois ans qui accède au trône, bien qu’il ne sache pas que le pays
entier est son domaine, ni que le Régent et le Grand Chancelier sont ses
subordonnés, ceux-ci lui appartiennent tous. Par ailleurs, même si un
nourrisson n’a pas la capacité de discernement, en buvant le lait de sa mère
compatissante, son développement sera naturel. Si des ministres au cœur
arrogant tel Zhàogào méprisent le Prince, ils se détruiront. Les savants des
sutra et des écoles méprisent le Prince qui ne fait que réciter le Daimoku du
Sutra du Lotus. Pour cette pensée, comme Zhàogào, ils tomberont dans
l’enfer aux souffrances sans intermittence. Par ailleurs, le pratiquant du
Sutra du Lotus qui récite le Daimoku sans en connaître l’esprit et éveille
en lui-même la disposition à régresser à la suite de la menace des savants
des autres écoles, est comme le Prince Huhài qui fut menacé, puis assassiné
par Zhàogào. Nam Myôhôrengekyô est non seulement l’essentiel de tout
l’enseignement du Bouddha, c’est le cœur du Sutra du Lotus, sa substance,
son aboutissement. C’est une doctrine si sublime. Pourtant, au cours des plus
de deux mille deux cent vingt ans après l’extinction de l’Eveillé, aucun
des vingt-quatre récipiendaires de la transmission en Inde ne la propagea. En
Chine, ni Zhiyi, ni Miaolo ne la divulguèrent. Au Japon, ni le Prince Shôtoku
ni même le grand maître Dengyô ne la prêchèrent. Aussi, les gens pensent
qu’un banal maître du Dharma n’est apte qu’à proférer des erreurs et ne
croient pas en son enseignement. C’est d’une grande logique. Par exemple,
personne ne crut que Zhàoyun avait été souillée par un guerrier abject.
Comment un banal maître du Dharma pourrait-il donc réciter Nam Myôhôrengekyô,
cœur du Sutra du Lotus, que n’ont propagé ni Tendai ni Dengyô, eux-mêmes
comparables pourtant à de grands ministres, des nobles de la Cour ? Mais,
vous autres, savez-vous ceci ? Le corbeau, oiseau pourtant des plus
vulgaires, connaît toutes les bonnes et mauvaises fortunes de l’année,
choses que ne savent ni l’aigle ni la buse. Même si le serpent est de
beaucoup inférieur au dragon ou à l’éléphant, il anticipe les inondations
sept jours à l’avance. Même si Nagarjuna ou Zhiyi ne l’avaient pas connue,
pourquoi douter d’une doctrine qui apparaît clairement dans le sutra ?
Refuser de réciter Nam Myôhôrengekyô en raison de son mépris pour Nichiren
c’est être comme le nourrisson qui se méfierait du lait et ne le boirait pas.
C’est être comme le malade qui n’aurait pas confiance dans le médecin et
refuserait le remède. Nagarjuna et Vasubandhu connaissaient (cette doctrine)
mais ne la propagèrent pas car ni le temps ni la prédisposition n’étaient
alors propices. Les autres ne la prêchèrent pas parce qu’ils ne la
connaissaient pas. Le Dharma du Bouddha se propage en fonction du temps et de la
prédisposition. L’insignifiant Nichiren satisfait quant à lui au temps. Or,
les gens de notre époque pensent que les cinq idéogrammes de Myôhôrengekyô
en sont seulement le nom. Mais ce n’est pas le cas. Ils en sont la substance.
La substance est le cœur. Guanding écrivait : “Certes, l’introduction
royale décrit le sens mystérieux du sutra. Le sens mystérieux se réfère au
cœur des phrases”. L’idée dominante de ce commentaire est que Myôhôrengekyô
ne se réfère pas à des mots, ni à un sens. Le commentaire signifie qu’il
est véritablement le cœur du sutra. Ainsi, ceux qui recherchent le cœur du
Sutra du Lotus en dehors de son Titre (Daimoku), sont comme la tortue incohérente
qui recherchait le foie sans le singe. Ce sont des gibbons partis de la montagne
forestière pour chercher des fruits dans l’océan. Quelle vanité !
Quelle tristesse !
Le vingt huitième jour du mois du givre de la troisième année de Kenji.
Nichiren paraphe
Réponse à Messire Soya Jirô entré dans la voie
Sermon
du Souverain du Dharma Nikken Shônin
Donné le 29 octobre 1994
Jusqu’à présent,
j’ai lu dans divers endroits, certains écrits de Nichiren Daishônin et en ai
commenté la signification partielle dans la mesure de mes moyens. Or, c’est
la première fois que je vais faire un cours sur la Lettre à Soya, datée
du onzième mois de la troisième année de Kenji (1277) que j’ai lue
aujourd’hui. Lorsqu’on lit ce Gosho, il semble simple à première lecture.
Pourtant, en réalité, son contenu est complexe.
Je pense que
vous-mêmes, en le lisant, en avez compris le sujet dans les grandes lignes. En
effet, l’idée est que Nam Myôhôrengekyô est le fondement de tout, qu’il
représente tel quel le cœur du Bouddha et qu’il permet le salut de tous les
hommes. Si l’on comprend déjà cela, il n’est dès lors plus nécessaire
d’en dire davantage. En effet, la merveille du bienfait[i]
est un sujet important du point de vue de la vie quotidienne. Aussi, il est
important de posséder une conviction absolue et comme l’on dit auparavant les
diverses personnes qui ont pris la parole, de réciter sérieusement le Daimoku.
Selon ce que
j’ai entendu dire, même après le onze avril dernier, terme de la pratique de
la récitation du Daimoku pendant cent jours, vous avez continué cette pratique
au sein de votre district et l’avez achevée hier, ayant ainsi récité un
million de Daimoku. Je vous félicite de cette persévérance. Je suis persuadé
que Nichiren Daishônin vous loue également.
La doctrine de
Nam Myôhôrengekyô de Nichiren Daishônin possède des significations à la
fois profondes et vastes. Il est dès lors important, du point de vue de l’ascèse,
de progresser sans douter, sans s’effrayer, même en entendant un tel vaste
Dharma. Nichiren Daishônin donna diverses orientations du point de vue de la
profondeur et de la portée du Dharma. Peut-être que vous ne les comprenez pas
toutes. Ce n’est pas grave. Dans ce Gosho, je vois que Nichiren Daishônin
explique l’essentiel de manière très succincte. Le texte est un peu long,
aussi vais-je essayer d’en donner des commentaires simples sur les points
importants.
Au
début,
nous lisons :
(Vous
m’avez fait parvenir) le Sutra Myôhôrenge en un volume, écrit en petits
caractères et dans le don que vous avez fait à titre d’offrande (au Bouddha),
il y avait deux vêtements à manches courtes, dix kan de monnaie et cent
éventails.
“En petits caractères”
signifie qu’il s’agissait d’une retranscription du Sutra du Lotus
à l’aide d’idéogrammes de petite taille. Cette retranscription a-t-elle été
réalisée par Messire Soya lui-même ? L’a-t-il fait faire par une
tierce personne ? On ne le sait pas. Toujours est-il qu’il la fit
parvenir au mont Minobu où, sur sa demande, Nichiren Daishônin procéda au
rite de l’ouverture des yeux en l’offrant au
Gohonzon et en récitant le Daimoku.
Ensuite, à
titre d’offrande, Messire Soya offrit “ deux vêtements
à manches courtes” et “dix
kan de monnaie”. On ne sait
pas exactement à quelle valeur actuelle correspondent dix kan[ii]
de l’époque. On peut cependant supposer que Messire Soya était un homme
assez aisé, puisque issu de la noblesse locale ; aujourd’hui encore, il
existe un lieu dit Soya au nord de Wakamiya, dans la région de Shimôsa, où résidait
Messire Toki. Devenu bienfaiteur (j. danto) de
Nichiren Daishônin, Messire Soya lui fit tant qu’il put des offrandes et lui
fut d’un grand secours lorsque Nichiren Daishônin, retiré au mont Minobu,
avait à nourrir ses nombreux disciples.
Il lui fit également
don de “cent éventails”.
A cette époque, il n’y avait pas de ventilateurs. Aussi, Messire Soya fit
cette offrande pour permettre à Nichiren Daishônin de se rafraîchir.
A partir de là,
commence l’explication de la doctrine. Un sutra possède obligatoirement un
titre. Nichiren Daishônin explique que le titre d’un sutra indique les
principes qu’il enseigne, ainsi que sa substance. Il indique alors le titre du
Sutra du Lotus, d’après les commentaires, à partir de l’expression “Ainsi
ai-je entendu”.
Le
premier fascicule des Mots et phrases indique : « “Ainsi” se
rapporte à la substance du Dharma entendu ».
Les Mots et
phrases sont un ouvrage de Zhiyi, le grand maître du Tendai, dans lequel il
commente avec rectitude chaque mot et chaque phrase du Sutra du Lotus.
Pour commencer, il cite : “Ainsi” se rapporte à
la substance du Dharma entendu”.
L’expression : “Ainsi ai-je entendu” (s. evam
maya srutam, j. nyoze
ga mon) apparaît au tout début
du Sutra du Lotus :
“Sutra de la fleur du Lotus du Dharma
merveilleux, chapitre premier « Introduction ». Ainsi ai-je entendu :
en ce temps, l’Eveillé demeurait en la cité de Rajagrha, sur le pic du
vautour…”.
Elle apparaît
également au tout début de chaque sutra. Le Sutra du Lotus est composé
de vingt-huit chapitres répartis en huit fascicules. L’expression “nyoze
ga mon” n’apparaît
qu’une fois au tout début et nulle part ailleurs. Elle signifie “ainsi
ai-je entendu”. La signification de “ainsi ai-je entendu” est d’évoquer
la substance de ce qui a été entendu.
Ensuite :
les Notes précisent : « S’il
ne s’agissait pas de l’“ainsi” du (sutra qui) surpasse les huit (enseignements),
comment pourrait-il être ce qui est entendu de ce sutra » ?”
Nichiren Daishônin
cite ici un extrait des Notes de Miaolo, qui sont un commentaires des Mots
et phrases de Zhiyi. “Qui surpasse les huit”
est un terme très important. En effet, il indique que le Sutra du Lotus
représente la vérité unique, la perfection à l’état pur, qui transcende
les huit enseignements.[iii] La citation de ces
commentaires signifie que l’“ainsi” (nyoze)
du Sutra du Lotus est largement différent de la même expression que
l’on retrouve dans les autres sutra. Je parlerai de ce point après avoir
commenté la suite.
Nous lisons
ensuite :
Le
titre du Sutra de l’Ornementation fleurie indique : « Sutra de
l’Ornementation fleurie du Bouddha ayant atteint la vérité éternelle et
universelle. Ainsi ai-je entendu”.
Le titre exact
du Sutra de l’Ornementation fleurie est en fait : Sutra de l’Ornementation
fleurie du Bouddha ayant atteint la vérité éternelle et universelle.
Après ce titre, il est écrit : “Ainsi ai-je
entendu”. Le texte se
poursuit par :
“Sutra
de la perfection de la grande sagesse. Ainsi ai-je entendu”.
Il s’agit là
du Sutra que généralement on nomme Sutra de la Sagesse, dont le titre
est immédiatement suivi de : “Ainsi ai-je entendu”.
Nous lisons
ensuite :
Le
titre du sutra Maha Vairocana indique aussi : “Sutra de la Divine
transformation par le pouvoir mystique de Maha Vairocana. Ainsi ai-je entendu”.
Le Sutra
Maha Vairocana enseigne la doctrine de l’Ainsi-venant Maha Vairocana,
autrement dit, l’Ainsi-venant Dainichi. Il dit qu’il existe le Dharma en
tant que vérité universelle. L’Ainsi-venant Maha Vairocana prenant ce Dharma
comme corps, on appelle ce Bouddha le corps de Dharma. Ainsi, le Bouddha Maha
Vairocana est le Bouddha au corps de Dharma. Du point de vue du profond éveil
de ce Bouddha, il a pour fonction de provoquer, à l’aide de sa sagesse éveillée
au principe, les diverses mutations du monde des dharma et de guider les êtres.
Le Sutra Maha Vairocana également commence par “Ainsi
ai-je entendu”.
Ensuite, fort
de ce préambule, Nichiren Daishônin continue par :
Si
l’on se demande quel est l’ainsi de tous les sutra, il s’agit de l’ainsi
du sutra dont le titre précède “ainsi”.
Cette phrase
signifie que le mot “ainsi” par lequel débute tous les sutra, désigne le
titre du Sutra qui précède ce mot.
Qu’est-ce
que cela signifie ?
Quel
que soit le sutra, l’Éveillé désigna par son titre, le principe qu’il
prêchait.
C’est le
Bouddha qui définit le titre d’un sutra, qu’il développe ensuite
longuement au travers de son contenu.
Lorsque,
après l’extinction du Bouddha, Ananda, Manjusri, Vajrasattva, se réunirent
en concile…
“Ananda” et “Manjusri” furent des arhat et des bodhisattva qui participèrent à la compilation des sutra. “Vajrasattva”, quant à lui, aurait travaillé à la compilation du Sutra Maha Vairocana. Ces personnages rassemblèrent les sutra après l’extinction du vénéré Shakya. Lorsqu’ils décidaient du contenu du sutra :
Ils
prononcèrent : “ainsi ai-je entendu” après avoir révélé le nom du
sutra.
“Révélé”
signifie qu’ils introduirent clairement le principe énoncé au long du sutra
dans son titre. Et c’est après, qu’ils prononçaient : “Ainsi
ai-je entendu”.
Pour cette
raison :
L’essentiel
d’un sutra est contenu dans son titre.
C’est
pourquoi, si l’on regarde attentivement le Titre d’un sutra, on en comprend
le contenu. Une personne qui aurait étudié profondément les principes, les
doctrines du bouddhisme, est capable de saisir uniquement par son titre, tous
les points fondamentaux développés longuement au sein des phrases du même
sutra. Etant Bouddha, Nichiren Daishônin comprend la signification du Sutra
du Lotus et de tous les autres sutra enseignés par le vénéré Shakya.
C’est pourquoi il peut dire que tout est contenu dans le titre d’un sutra.
On dit que le nombre total des sutra s’élève à cinq ou sept mille. Vous
devez dès lors penser que tout cela est extrêmement complexe. Toutefois, si
vous parvenez à lire correctement le Titre d’un sutra, tout ce que ce sutra
contient y apparaît. Nichiren Daishônin nous indique ici l’importance des
points essentiels.
Il donne
ensuite un exemple pour étayer son propos :
Prenons
par exemple, le pays appelé Sindhu. Il est constitué de soixante-dix petits
pays sur neuf cent mille lieues.
Une autre thèse
énonce “cent trente petits pays”.
Dans le Traité qui ouvre les yeux, Nichiren Daishônin adopte cette
seconde version. Elle provient des Notes sur les régions du Ponant[iv]
qu’écrivit Xuanzan[v] sur le voyage qu’il
entreprit pendant dix-sept ans en Inde. Or, dans un autre livre intitulé Recueil
de traductions de termes[vi],
on lit bien “soixante dix pays”. On voit ainsi que selon les thèses, il
existe des différences. Bien sûr, à cela s’ajoute le fait qu’en fonction
de l’époque, certains pays disparaissaient et d’autres voyaient le jour.
Nous lisons
ensuite :
Les
hommes et les animaux, les végétaux, les montagnes et les rivières, la terre,
tous sont clairement contenus dans son nom : l’Inde.
Cela dit,
toutes les formes d’êtres qui y vivent sont englobées dans le nom “Inde”
(gasshi).
Dans le Gosho, Nichiren Daishônin écrit par ailleurs :
“Sindhu est traduit par « pays
de la Lune »”.
En
effet,
“Sindhu” signifie “pays de la lune”.
Nichiren Daishônin rajoute encore :
“C’est le nom approprié à l’apparition du Bouddha”.
Du fait que le
vénéré Shakya y est apparu, on a toujours appelé l’Inde “pays de la lune”.
Par
exemple, sous les quatre cieux, il y a quatre continents.
Les “quatre
continents” font partie de la vision que les indiens avaient du monde, centrée
sur le mont Sumeru. Ce dernier est entouré au sud par le Janbudvipa
à
l’est par le Purva Videha à
l’ouest par l’Apara godaniya et
au nord par l’Uttara kura.
L’infinité
de tous les êtres se reflètent dans la lune sans pouvoir se dissimuler.
Toutes les
formes de vies sont présentes dans ces quatre continents et elles se reflètent
dans le miroir qu’est la lune sans pouvoir se cacher.
Nichiren Daishônin
poursuit :
Il
en est de même pour les sutra.
Tous les sutra
et enseignements du Bouddha répondent au même principe :
Les
doctrines contenues dans un sutra sont exprimées dans son titre.
Il donne
ensuite des exemples concrets :
Le
titre des sutra Agama contient le principe de l’impermanence, quintessence de
ces sutra.
Le nom de ces
sutra : “Agama” (j. Agon) signifie : “profondeur ultime du Dharma de la vacuité”.
La
signification véritable de toutes les choses est qu’elles sont vides. Nous
pensons exister et beaucoup s’attachent trop à cette notion de leur propre
existence. A partir de là, ils pensent que leur ego, leur “moi”, perdurera
toujours. Or, en fait, cet ego, ce “moi”, n’est que le produit de causes
et de conditions et nous n’existons nullement en tant qu’existence indépendante.
D’abord,
l’être humain est produit par la relation de son père et de sa mère. Mais
si, du fait qu’il est le produit de son père et de sa mère, il pense qu’il
a commencé par eux, là encore, il commet une erreur. En effet, chacun possède
un karma du passé. Ce karma constitue la cause (in) du
début, ses parents constituent eux la relation (en)
et c’est par l’union de cette cause et de cette relation, que lui-même
apparaît. Dès lors, notre existence n’est nullement éternelle, elle est
amenée à varier sans cesse. Autrement dit, ce qui est le fruit de causes et de
conditions, disparaît immanquablement lorsque les causes et les conditions
changent. La vacuité enseignée dans les Sutra
Agama explique de cette
manière le principe de la naissance et de
l’extinction.
“Agama”
signifie que ce Dharma de la vacuité est infiniment profond. Lorsqu’on lit le
nom de ces sutra, on comprend ainsi qu’ils enseignent en profondeur le
principe de la vacuité.
Nichiren Daishônin poursuit par : “contient le principe de l’impermanence”. Ce dernier explique que les choses n’existent pas en permanence. Les êtres humains vieillissent sans cesse et, pour finir, meurent. Dans cent ans, pratiquement aucune des personnes présentes dans ce temple ne sera encore vivante. Toute forme d’existence naît et inéluctablement meurt. Ce principe est celui de la naissance et de la destruction, autrement dit de l’impermanence. Il est inclus dans le Titre des sutra Agama. Parmi les doctrines contenues dans ces sutra, il y a celle des quatre nobles vérités que sont la souffrance, les causes de la souffrance, l’extinction de la souffrance et la voie pour y parvenir, qui constituent le fondement du Petit véhicule.
Ce
principe est cent, mille, dix mille fois supérieur aux idéogrammes “A” et
“U” faisant partie du titre des livres des voies extérieures.
“A” se rapporte au “néant” et “U”
à l’“être”. “A” est la vision du monde et des êtres humains fondée
sur la vision du non-être. A l’inverse, “U” est la vision fondée sur
l’existence. Kongfuzi (Confucius)[vii]
et Mengzi (Mencius)[viii] entrent dans la catégorie
de la vision de l’être. Laozi[ix]
et Zhuangzi[x], eux, relèvent de la pensée
du non-être. Dans les six courants philosophiques de l’Inde également, on
retrouve des pensées s’attachant trop aux notions d’être ou de non-être.
En tout état de cause, ces philosophies diffèrent de la vacuité, établie sur
la base correcte des causes et des relations (j. innen).
Il y a peut-être des personnes qui pensent que le non-être et la vacuité, c’est la même chose. En fait, ces deux notions sont différentes. Le non-être (j. mu) signifie qu’à l’origine, il n’y a rien. Toute chose naît et meurt, mais sa nature est le néant. Par contre, la notion de vacuité (j. kû) des sutra Agama, définit comme vide l’absence d’attachement à l’ego, mais comme existant l’union provisoire des cinq agrégats[xi], c’est-à-dire les deux lois du corps et de l’esprit. Autrement dit, il s’agit du principe de la “vacuité du moi et de l’existence des phénomènes” (j. ga kû hô u). Le Grand véhicule, lui, va plus loin encore en démontrant que les causes et les conditions de l’homme comme des phénomènes sont vides. Telle est la différence d’avec le simple néant des voies extérieures. Ainsi, du fait que le principe de l’impermanence du bouddhisme réside dans la cause, la condition, l’effet et la rétribution, il est “cent, mille, dix mille fois supérieur” aux enseignements des voies extérieures, qui s’attachent aux deux notions d’être ou de non-être ou qui prônent une notion “et d’être et de non-être” (j. yaku u yaku mu).
Aussi, entendant
le titre des sutra Agama, les quatre-vingt quinze sortes de voies extérieures
rejetèrent leur attachement à l’hérésie.
Elles se
rendirent compte de leur erreur. Dès lors, elles
se
dirigèrent vers la voie de l’impermanence.
Elles empruntèrent
la voie juste de la cause – condition et de la cause – effet. Tel est
l’enseignement des corbeilles au sein des quatre doctrines (corbeilles,
communes, particulières et parfaite).
Nichiren Daishônin
aborde à présent les sutra de la Sagesse.
Entendant
le titre des sutra de la sagesse, on s’éveille aux doctrines de la vacuité
substantielle, de la médianité simple et de la médianité non-simple.
Cette sagesse
est de deux sortes : la première est la sagesse parfaite et complète du
Bouddha. C’est la sagesse du passé infini, de la merveille de la cause
originelle, de la fusion parfaite de la sagesse et de son objet du point de vue
de la doctrine originelle. L’autre est la sagesse que, du point de vue des
enseignements en tant que moyens, les bodhisattva obtiennent par leur pratique.
Il ne s’agit donc pas là du fruit de bouddhéité, mais de la sagesse due à
la pratique en tant que cause.
Tout à
l’heure, j’ai lu le titre du sutra : Sutra de la paramita de la
grande sagesse. “Paramita” signifie “traverser”. Ce terme désigne
l’élévation spirituelle produite par l’ascèse, qui permet de s’éloigner
progressivement des états de vie inférieurs de l’illusion et de la
souffrance. C’est la traversée vers la rive de l’éveil. “Paramita” désigne
donc la pratique en tant que cause pour devenir Bouddha. Aussi, la signification
du “titre des Sutra de la sagesse”
est la pratique de la cause du point de vue de la sagesse. Dès lors, celui qui
entend les doctrines de la sagesse, au cours de son parcours “s’éveille
aux doctrines de la vacuité substantielle, de la médianité simple et de la médianité
non simple”.
La vacuité
substantielle (j. taikû)
s’oppose à la vacuité analytique (j. shakkû).
C’est une vision de la vacuité supérieure à celle de la vacuité analytique.
En effet, prenons par exemple le verre qui est posé ici. Puisqu’il est réellement
là, tout un chacun pensera qu’il existe. Or, si l’on extrait un fragment équivalant
à un centième de ce verre, ce fragment ne sera pas le verre. Si on en extrait
un deuxième, on ne pourra pas non plus dire que c’est le verre. Si l’on
poursuit l’opération jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien du verre, ce
dernier ne sera plus nulle part. Alors, on s’éveille au fait que ce verre est,
en fait, vide. Analyser de la sorte toutes les choses et s’éveiller au fait
qu’elles sont toutes vides s’appelle la vacuité analytique.
Cependant, un
homme un peu plus avancé du point de vue de l’éveil du bouddhisme, regardant
toutes les choses existant réellement, verra sur le champ qu’elles sont
toutes vides. Un tel éveil s’appelle la vacuité substantielle. Autrement dit,
il voit que la substance de chaque chose est vide. Ce genre d’éveil relève
des enseignements communs.
Cependant,
s’éveiller à la vacuité n’enlève rien au fait que les choses existent
matériellement, du fait des causes et des conditions. Alors, apparaît le
principe appelé la vérité de la conditionnalité (j. ketai).
Puis, simultanément à la présence de la vacuité et de la conditionnalité,
il faut immanquablement qu’elles soient centrées sur la voie du milieu. On pénètre
alors dans le profond éveil à la vision de la voie du milieu, synthèse
globale de l’ensemble. Ainsi il y a une progression à partir de la vacuité
substantielle vers “la médianité simple et de la médianité
non-simple”, états d’éveil
à une vérité encore plus profonde.
La médianité
simple (j. tanchû) existe indépendamment, séparée des vérités de la vacuité et de la
conditionnalité. Aussi, on passe de la vacuité pour pénétrer dans la
conditionnalité, puis on repasse de la conditionnalité à la vacuité et,
finalement, c’est en quittant la vacuité et la conditionnalité que l’on pénètre
dans la médianité. On s’attache alors uniquement à la médianité, ce qui
revient à nier les deux précédentes vérités. Telle est la médianité
simple, issue des enseignements particuliers.
Ensuite, en ce
qui concerne la “médianité non-simple”, il s’agit de l’éveil
inconcevable du Bouddha dans lequel la conditionnalité et la médianité sont
présentes et fusionnent dans la vacuité, de même pour la vacuité et la médianité
à l’intérieur de la conditionnalité et la vacuité et la conditionnalité
à l’intérieur de la médianité. Ainsi, chaque vérité contient telle
quelle la signification des trois vérités et ces dernières contiennent la
signification d’une seule. Tel est l’enseignement de la doctrine parfaite.
La
signification de s’y éveiller est que, au sein des Sutra de la sagesse,
il existe les enseignements communs, particuliers et parfait. Dès lors, une
personne, en fonction de sa prédisposition, ne pourra par exemple s’éveiller
qu’à la vérité de la vacuité substantielle, traitée dans les
enseignements communs. Une autre s’éveillera à la doctrine de la médianité
simple développée dans les enseignements particuliers. Une troisième
parviendra jusqu’à l’éveil de la doctrine de la médianité non-simple de
l’enseignement parfait. Il existe ainsi trois sortes de prédispositions. Dès
lors, il existe trois sortes de doctrines avec des contenus différents.
Nichiren Daishônin
aborde ensuite le Sutra de l’Ornementation fleurie.
Ceux
qui entendent le titre du Sutra de l’Ornementation fleurie s’éveillent à
la médianité simple et à la médianité non-simple.
Le titre exact
du Sutra de l’Ornementation fleurie est Sutra de l’Ornementation
fleurie du grand Bouddha ayant atteint la vérité éternelle et universelle
(j. Daihô kô butsu kegon gyô).
En ce qui concerne la teneur de son enseignement, Zhiyi la répartit dans les
doctrines particulières et parfaite. Dès lors, son enseignement est celui de
la médianité simple et de la médianité non-simple.
Le Sutra de
l’Ornementation fleurie contenant les profondes et précieuses doctrines
de la médianité simple et de la médianité non-simple, il décrit un corps du
Bouddha et une terre du Bouddha magnifiquement décorés et le magnifique grand
Bouddha Rushana au corps de rétribution qui enseigna ces profondes doctrines
aux êtres y est présenté. La grande statue de Nara symbolise ce Bouddha. La
raison pour laquelle on a sculpté une si grande statue est pour exprimer la
grandeur de l’éveil du corps de rétribution de Rushana. Cependant, seul son
corps est immense. Lui-même n’a pas l’enseignement apte à sauver véritablement
tous les êtres. En effet, bien que son Dharma soit qualifié de profond, il
n’exprime pas directement la vie du Dharma merveilleux qu’est la présence
mutuelle des dix mondes, cent mondes mille ainsi, Une pensée trois mille. Dès
lors, il n’y a que les bodhisattva de haut niveau qui puissent y prendre du
plaisir avec la doctrine parfaite, les êtres ordinaires ne pouvant absolument
pas la comprendre.
En fait,
l’objectif dans lequel Shakyamuni enseigna le Sutra de l’Ornementation
fleurie fut uniquement “la soudaineté” (j. gigi).
En effet, le Bouddha qui quitta la demeure à dix-neuf ans et obtint l’éveil
à trente, enseigna pour commencer le Sutra de l’Ornementation fleurie.
Son dessin était de mesurer le niveau de pensée des êtres, leur prédisposition,
par rapport à son propre éveil. Aussi, il ne les sauva pas véritablement. Ce
n’est que parvenu au Sutra du Lotus qu’il les sauva complètement. En
ce sens, dans le titre du Sutra de l’Ornementation fleurie, la “vérité
éternelle et universelle” se rapporte à la “fleur”. Dans le Grand véhicule,
cette dernière se situe au niveau de la pratique causale, de l’ascèse.
C’est par elle que le corps du Bouddha et la terre du Bouddha furent “ornés”.
Le texte qui enseigne ce Bouddha et son territoire est le “Sutra”. Dès lors,
lorsque quelqu’un versé dans l’enseignement du Bouddha, observe
minutieusement le titre du Sutra de l’Ornementation fleurie, il
comprend tout de suite cela.
Ensuite :
Ceux
qui entendent le titre du Sutra Dainichi, des sutra aux doctrines diverses et
des sutra de la sagesse s’éveillent soit au principe de la vacuité
analytique, soit à celui de la vacuité substantielle, soit à celui de la
vacuité simple, ou encore à celui de la vacuité non-simple, ou au principe de
la médianité simple ou de la médianité non-simple.
Le Bouddha au
corps de Dharma, appelé Ainsi-venant Dainichi (Maha Vairocana) est tenu pour
avoir enseigné ce sutra. Considérer que tous les sutra furent enseignés par
le vénéré Shakya est la vision fondamentale que Nichiren Daishônin avait du
bouddhisme. De ce point de vue, je pense que considérer le Sutra Dainichi
comme ayant été enseigné par le vénéré Shakya pour des personnes ayant une
certaine prédisposition, en donnant la forme d’un Bouddha au Dharma contenu
dans son éveil, est le plus juste. S’agissant du corps de Dharma isolé,
Shakya ne prêcha pas directement ce qui le concernait personnellement. On peut
donc dire qu’il prêcha une petite partie, au sein de l’intégralité de son
enseignement, en tant que Bouddha.
Ensuite, de
nombreux sutra, y compris le Sutra Dainichi entrent dans la catégorie
des “doctrines diverses”.
Cette expression possède ici le sens de “Grand véhicule”. Les “Sutra
de la sagesse” que j’ai déjà
évoqués tout à l’heure ont pour contenu diverses choses allant du Petit véhicule
au Grand véhicule, c’est pourquoi ils sont cités ici en particulier.
Les personnes
qui entendirent ces enseignements s’éveillèrent “soit
au principe de la vacuité analytique”,
c’est-à-dire à la vacuité à partir de l’impermanence de la naissance et
de l’extinction, “soit à celui de la vacuité
substantielle”, en pénétrant
dans le principe de la vacuité de la substance. L’éveil à la vacuité
substantielle permettant de pénétrer directement dans la voie du milieu, ils pénétrèrent
ensuite dans les vérités de la médianité simple et de la médianité
non-simple. Au sein des quatre enseignements (corbeilles, communs, particuliers
et parfait), il s’agit là des enseignements communs.
Quant à
“la vacuité simple”, elle
possède la même signification que la vacuité analytique. Pourquoi, dès lors,
l’appelle-t-on “vacuité simple” ?
Comme je l’ai dit tout à l’heure, la vacuité des enseignements des
corbeilles concerne le “moi”. Toutefois, pour ces enseignements, toute chose
en ce monde, est constituée de matière et d’esprit. Dès lors, les deux lois
de la matière et de l’esprit qui façonnent notre “moi” existent.
Autrement dit, pour le Petit véhicule, les dharma existent, mais nos vues du
moi, nos désirs fondés sur l’ego, quant à eux, apparaissant à partir de
ces deux lois, ils sont vides. En fait, cet enseignement professe la vacuité du
moi et l’existence des dharma (j. ga kû hô u),
principe selon lequel seuls nous-mêmes sommes vides. C’est ce qu’on appelle
la vacuité simple.
Ensuite, “ou
encore à celui de la vacuité non-simple”.
Cette dernière est identique à la vacuité substantielle abordée tout à
l’heure. C’est la pensée selon laquelle “la substance est vide”. Là également,
nous sommes constitués des deux lois de la matière et de l’esprit, mais là,
toutes les existences du monde de dharma des deux lois de la matière et de
l’esprit, également sont vides. Dès lors, la personne et les dharma, tous
deux sont vides. Autrement dit, dans la vacuité des personnes et des dharma,
l’aspect des causes et des conditions étant présent, cette vacuité n’est
pas simple. Il y a là le sens de l’ouverture sur la vérité de la voie du
milieu. Ensuite, “ou au principe de la médianité
simple ou de la médianité non-simple”, désigne
l’éveil aux principes des enseignements particuliers et parfait. Ainsi, si
l’on observe avec soin le titre de chaque sutra, on y découvre naturellement
les principes et le contenu révélé dans ce sutra. Nichiren Daishônin nous
enseigne que des hommes écoutèrent ces sutra et s’éveillèrent aux
principes qu’ils développaient.
Toutefois,
avec ces sutra, ils
n’ont cependant pas encore entendu les œuvres et vertus de l’éveil
merveilleux de la présence mutuelle des dix mondes, cent mondes, mille ainsi,
trois mille domaines.
Les doctrines
de la “présence mutuelle des dix mondes, cent mondes,
mille ainsi” ne sont en effet
enseignées que dans le Sutra du Lotus. La présence de dix monde dans
les dix mondes, c’est-à-dire la “présence mutuelle
des dix mondes” fut révélée
pour la première fois dans le Sutra du Lotus, à travers la possibilité
de devenir Bouddha pour les deux véhicules. A cet éveil des deux véhicules
vient s’ajouter l’éveil des mauvais hommes et des femmes, ce qui fonde le
salut de tous les êtres.
Les dix mondes
étant présent mutuellement l’un dans l’autre, il y a donc “cent
mondes”. Dix ainsi étant présent
dans ces cent mondes, il y a donc “mille ainsi”.
Les dix ainsi enseignent l’existence du principe de la causalité dans chaque
chose. Je pense que vous-mêmes les lisez souvent. En effet, la triple lecture
des dix ainsi au cours de la pratique du Gongyô possède les profondes
significations de la voie du milieu de la médianité non simple à travers la
triple vérité : vacuité, conditionnalité, médianité, du triple corps :
dharma, rétribution, communication, d’un corps en trois corps et de trois
corps en un corps. Parmi ces dix ainsi, ainsi est l’aspect (nyoze
sô), ainsi est la nature (nyoze
shô) et ainsi est la substance
(nyoze tai)
représentant l’ensemble de la vision extérieure et de l’aspect intérieur,
ils expriment la forme, l’esprit et l’unicité de la forme et de l’esprit
de toutes les choses et phénomènes. Ensuite, l’énergie (riki),
représente les capacités latentes et la production (sa)
représente les fonctions patentes, clairement manifestées. Viennent ensuite la
cause (in),
la condition (en),
l’effet (ka)
et la rétribution (hô).
C’est dans ces quatre ainsi que réside solennellement l’existence de toutes
choses. Nous y trouvons le principe souverain des bonnes causes amenant de bons
effets et les mauvaises causes provoquant les mauvais effets.
“Si vous désirez connaître les causes du passé, regardez les effets du présent. Si vous souhaitez connaître les effets du futur, regardez les causes du présent”.
Cette phrase
du Gosho signifie que la règle inflexible de la causalité dans le bouddhisme
existe en tant que principe. Viennent ensuite se greffer les trois domaines,
signifiant que trois mille immenses domaines sont présents dans notre cœur, établissant
ainsi la doctrine d’Une pensée trois mille. Entendre cela, le croire et
pratiquer ce bon principe permet l’apparition de grandes œuvres et vertus
dans notre vie. Ce sont “les œuvres et vertus de l’éveil
merveilleux”, autrement dit
la voie pour devenir Bouddha dès ce corps.
“L’éveil merveilleux (myôkaku)
désigne ici le Bouddha. Cet éveil véritablement intégral est celui du
Bouddha. Même si les sutra antérieurs au Sutra du Lotus, c’est-à-dire
le Sutra de l’Ornementation fleurie, les Sutra Agama, aux Doctrines
diverses et de la Sagesse parviennent au principe révélé par leur
titre, en une certaine mesure, finalement ils ne permettent pas d’obtenir les
œuvres et vertus de l’éveil total, c’est-à-dire devenir Bouddha dès ce
corps puisqu’il leur manque cent mondes, mille ainsi, Une pensée trois mille.
A partir de
cet endroit du texte, Nichiren Daishônin indique les grandes différences
existant entre le Sutra du Lotus et les sutra antérieurs.
Tant
que ce principe n’a pas été prêché, ils ne sont qu’hommes ordinaires au
degré de l’identité de principe, extérieur au Sutra du Lotus. Les Bouddha
et bodhisattva (mentionnés dans) ces sutra ne parviennent pas encore au degré
de l’identité de dénomination du Sutra du Lotus.
“Ce Principe”
désigne la doctrine d’Une pensée trois mille. Vu des yeux du Sutra du
Lotus, celui qui pratique les autres sutra, comme le Bouddha qui les
enseigne, sont au degré de principe. C’est-à-dire qu’ils possèdent le
contenu du Bouddha de manière théorique, mais n’ont pas encore pénétré
dans le degré un peu plus avancé de la foi dans le Sutra du Lotus. Ne
montrant donc que l’aspect de l’illusion des hommes ordinaires, ils sont
encore “des hommes ordinaires au degré de l’identité
de principe”. Nichiren Daishônin
juge les pratiquants des autres sutra comme étant plongés dans l’illusion.
En effet, les
Bouddha et bodhisattva des autres sutra ne sont pas encore parvenus au degré de
dénomination du Sutra du Lotus. Le degré de dénomination est le degré
où l’on n’a que la foi. Les êtres de la Fin du Dharma, vous et moi, sont
au degré de dénomination. C’est à partir du degré de dénomination que
l’on peut devenir Bouddha dès ce corps. C’est ce que nous dévoile
l’enseignement de Nichiren Daishônin, en particulier la Transmission orale
de la doctrine. Nous devons avoir la conviction que c’est dans la récitation
de Nam Myôhôrengekyô avec le seul mot de “foi” que, immanquablement,
naissent les œuvres et vertus de l’éveil.
Or, puisque
les pratiquants des autres sutra n’ont pas la foi dans le Sutra du Lotus,
ils ne parviennent pas au degré de dénomination du Sutra du Lotus.
Comme l’indique le passage : “les Bouddha et
bodhisattva (mentionnés dans) ces sutra”,
non seulement les bodhisattva, même les Bouddha de ces sutra ne sont pas
parvenus au degré de dénomination. Autrement dit, les Bouddha des autres sutra
sont inférieurs au degré de dénomination qui est le nôtre, nous qui avons
foi dans le Sutra du Lotus. Dans ce non-aboutissement, réside une des
grandes différences entre le Sutra du Lotus et les autres sutra, entre
l’enseignement véritable et l’enseignement des moyens. Ceci est infiniment
appréciable. Nous devons beaucoup y songer.
Nichiren Daishônin
va encore plus loin :
A
plus forte raison, sans en réciter le Titre, comment pourraient-ils parvenir à
l’identité de contemplation ?
“L’identité de contemplation”
privilégie la pratique. Pour nous, c’est la récitation du Daimoku (le Titre).
Progressivement, l’esprit de ce Daimoku et notre attitude dans la vie
quotidienne se rejoignent. Je pense que même ici, de nombreuses personnes témoignent
de ce genre d’œuvres et vertus. Aussi, c’est en récitant sérieusement le
Daimoku que nos propres actions deviennent parfaitement identiques au Daimoku
dans lequel nous avons la foi. Telle est “l’identité
de contemplation”. Celui qui est attaché à une autre école, à un autre sutra, ne récite
pas le Daimoku. Comment, dès lors, pourrait-il parvenir à “l’identité
de contemplation” ?
Ensuite,
Nichiren Daishônin réitère ses propos pour souligner les raisons de la prévalence
du Sutra du Lotus en citant le grand maître Miaolo :
Pour
cette raison, le grand maître Miaolo écrivit dans ses notes : “S’il
ne s’agissait pas de l’“ainsi” du (sutra qui) surpasse les huit (enseignements),
comment pourrait-il être ce qui est entendu du sutra ?”
“Surpasse les huit”
signifie que le “ainsi ai-je entendu ”
suprême du Sutra du Lotus surpasse les huit enseignements représentant
l’intégralité des enseignements développés par le vénéré Shakya tout au
long de sa vie.
Autrement dit
sans : “ainsi, j’ai entendu le Sutra du Lotus, enseignement qui surpasse les
huit enseignements”, comment pourrait-on dire qu’on a entendu le Sutra du
Lotus ? C’est impossible. A contrario,
parce que cet “ainsi” dépasse les huit, il revient à avoir entendu le Sutra
du Lotus.
Les
Titres de tous les autres sutra font partie des huit enseignements. Ils sont
comme les mailles d’un filet.
Tous les sutra
enseignés jusque là, par exemple le Sutra de l’Ornementation fleurie,
les Sutra aux doctrines diverses, ou encore de la Sagesse ou bien
le Sutra Dainichi, font tous
partie des huit enseignements. A ce titre, ils sont comme les mailles d’un
filet.
Or, “le
Titre de ce sutra surpasse les mailles du filet des huit enseignements, il en
est la grande corde”.
Le Titre de ce
sutra surpasse les huit enseignements qui sont semblables à un filet ; il
en est la grande corde. Les rets d’un filet sont tous reliés à la corde
principale. Celle-ci fédère l’ensemble et c’est à partir de ce moment-là
que les mailles du filet jouent leur rôle qui est partiel.
En un mot, les
huit enseignements sont des médicaments. En fait, pendant très longtemps, le vénéré
Shakya a enseigné des moyens. Si on les analyse en tant que médicaments, on
peut considérer qu’il y a la posologie et la préparation. La préparation
est la mixtion faite pour faire face à telle ou telle maladie. La posologie,
quant à elle, c’est la méthode d’ingestion du médicament : “à
prendre avant les repas”, une fois par jour, ou trois fois par jour. Il y a
ainsi quatre posologies et quatre préparations. Elles se complètent et donnent
les huit enseignements.
Les quatre préparations
symbolisent les doctrines des corbeilles, communes, particulières et parfaite.
Elles vont de la plus basse, celle des corbeilles, c’est-à-dire le Petit véhicule,
dans lequel est enseignée la vacuité analytique ou vacuité simple, pour
progresser vers le haut, c’est-à-dire les enseignements communs enseignant la
vacuité substantielle ou vacuité non-simple. Il y a ensuite les enseignements
particuliers développant la médianité simple puis, enfin, la doctrine
parfaite et sa médianité non simple. Ensuite, le Bouddha, mixant le tout à sa
guise, enseigna les méthodes d’ingestion : subite, progressive, secrète et
indéterminée. La méthode subite pourrait être comparée à ces remèdes que
l’on administre en une fois au patient. La méthode progressive, elle,
correspondrait à un traitement administré à long terme, sous la forme de
plusieurs médicaments. Il existe ensuite un traitement particulier, différent
des deux précédents, ni subit, ni progressif. Ce traitement ni subit, ni
progressif, c’est le Sutra du Lotus. La méthode subite, c’est le Sutra
de l’Ornementation fleurie. Les autres sutra, Agama,
aux Doctrines diverses et de la Sagesse entrent tous dans la catégorie
des enseignements progressifs.
Les méthodes
secrète et indéterminée se rapportent à écouter une chose identique et
l’entendre différemment. Il y a une voix unique, celle du Bouddha, que tous
écoutent à l’unisson. Pourtant, en fonction de la prédisposition des
auditeurs, certains saisiront la vacuité substantielle, d’autres saisiront la
médianité simple, d’autres encore saisiront la médianité non-simple, tous
auront une interprétation différente. C’est ce que l’on appelle “écouter
une chose identique et l’entendre différemment”. Même en écoutant une
chose identique, la compréhension du contenu diffère de l’un à l’autre.
C’est pourquoi l’éveil diffère en fonction de l’état de vie. Tout dépend
de la prédisposition individuelle. Toutefois, lorsque les auditeurs ont
conscience de leur présence mutuelle sur le lieu du prêche, celui-ci est appelé
“enseignement indéterminé manifeste” (j. kenro fujôkyô).
Par contre, lorsque le Bouddha, grâce à ses pouvoirs divins fait en sorte que
les auditeurs ignorent mutuellement leur présence tout en étant sur le même
lieu de prêche, lorsqu’ils sont inconscients qu’il y a d’autres personnes
et qu’ils écoutent une chose unique en la comprenant de manière différente,
cette méthode d’enseignement s’appelle alors “enseignement indéterminé
secret” (j. himitsu fujôkyô),
communément désigné sous l’appellation “enseignement secret”.
Les
enseignements des corbeilles, communs, particuliers et parfait et les méthodes
subite, progressive, secrète et indéterminée, intégrés dans les moyens que
sont ces huit enseignements ne représentent pas la réalité. Ils représentent
les mailles du filet. Dès lors, et ce passage est important, les moyens que
sont la vacuité simple et la vacuité non-simple ont été introduits, même
dans cet enseignement dit parfait. De cet enseignement parfait, Nichiren Daishônin
écrit :
“Un joyau brisé ne représente pas un
trésor”.
Même un joyau,
s’il est cassé ou abîmé, n’est pas un véritable trésor. Seul un joyau
parfait, sans faille trouve sa véritable valeur en tant que trésor. Dans le même
sens, un enseignement, aussi qualifié de parfait soit-il, s’il est marqué
des moyens, il ne peut avoir la fonction de la perfection. Et dès lors, comme
le soulignait la phrase de tout à l’heure, les œuvres et vertus de l’éveil
total qu’est la présence mutuelle des dix mondes, cent mondes, mille ainsi,
Une pensée trois mille n’apparaissent pas.
Or, dans le
cas du Sutra du Lotus, il n’est pas entaché des moyens que sont les
corbeilles, les enseignements communs et particuliers. Il est l’enseignement
parfait pur. C’est pourquoi, il “dépasse le huit”. Il est la grande corde
qui dépasse les huit enseignements.
Le texte décrit ensuite les fonctions remarquables apparaissant chez le
pratiquant du Sutra du Lotus. En effet, il s’agit là d’une doctrine
tout à fait extraordinaire.
A présent, ceux qui prononcent Myôhôrengekyô, même
s’ils n’en connaissent pas le cœur, non seulement obtiennent (le cœur du)
Sutra du Lotus, mais de surcroît, s’éveillent à la grande corde de (l’enseignement
développé) tout au long de la vie du Bouddha.
Ce point est tout à fait merveilleux et, Mesdames et Messieurs, vous
concerne directement. En effet, même sans connaître la profondeur,
l’immensité insondable du Gohonzon de Myôhôrengekyô, on peut s’éveiller
naturellement au cœur de ce sutra, uniquement par la récitation de Nam Myôhôrengekyô
adressée au Gohonzon. Par cette pratique, on s’éveille à l’essentiel de
l’ensemble de l’enseignement développé par le Bouddha tout au long de sa
vie. Il faut bien saisir le fait que Nichiren Daishônin parle de l’intégralité
des êtres de la Fin du Dharma qui récitent le Daimoku.
Ainsi,
un prince âgé d’un an, de deux ans ou de trois ans qui accède au trône,
bien qu’il ne sache pas que le pays entier est son domaine
A présent que le nombre des pays dotés d’un régime démocratique augmente, les monarques disparaissent progressivement. Or, autrefois, la plupart des pays étaient régis par un souverain. Et si le Prince héritier, même s’il s’agissait d’un nourrisson âgé d’un an, de deux ans ou de trois ans, accédait au trône, tout ce qui faisait partie de ce pays était sous sa domination.
Ni que le Régent et le Grand Chancelier sont ses subordonnés, ceux-ci lui appartiennent tous.
Le Régent a pour fonction de diriger le pays à la place du roi tant que
celui-ci est trop jeune pour le faire lui-même. Quant au Grand Chancelier, il
avait autorité sur tout ce qui avait trait à la politique du pays. Il avait
plus de pouvoir que le premier ministre de la maison impériale. C’est
pourquoi on dit que le Grand Chancelier a le premier rang, la première place,
qu’il est le premier dignitaire. Tout cela devint par la suite de plus en plus
conventionnel, mais Toyotomi Hideyoshi[xii]
passa de Grand Chancelier (Kanpaku) à
Père du Grand Chancelier (Taikô). On
appelle “Taikô” l’ancien “Kanpaku”. En ces temps où le gouvernement
était entre les mains des samouraïs, on peut supposer qu’il s’agissait
d’un homme puissant doté du droit de parole (haku) au regard (kan) de tout ce
qui se passe dans le pays.
Or, même ces hommes parés de si grands pouvoirs comme le Régent ou le
Conseiller dépendaient alors du prince âgé d’un an ou deux, si celui-ci accédait
au trône. Ils étaient ses féaux. Le prince, quant à lui, ne le savait
pourtant pas. Mais même s’il ne savait rien, tout, cependant, lui appartenait.
La suite est un autre exemple.
Par ailleurs, même si un nourrisson n’a pas la
capacité de discernement, en buvant le lait de sa mère compatissante, son développement
sera naturel.
Même s’il ne comprend rien, un nourrisson boit du lait et se développe.
Lorsqu’un bébé boit le lait maternel, il ne réfléchit pas à la valeur
nutritionnelle de ce lait, ni à la quantité indispensable pour être rassasié
et pour grandir. Il se contente de boire innocemment. Malgré tout, il se développe
naturellement. Nichiren Daishônin nous dit que c’est cela qui est important.
Nam Myôhôrengekyô est un si grand Dharma, que c’est en récitant sans arrière
pensée le Daimoku que, immanquablement, l’effet de boddhéité se manifeste.
Si des ministres au cœur arrogant tel Zhàogào méprisent
le Prince, ils se détruiront. Les savants des sutra et des écoles méprisent
le Prince qui ne fait que réciter le Daimoku du Sutra du Lotus. Pour cette pensée,
comme Zhàogào, ils tomberont dans l’enfer aux souffrances sans intermittence.
Nichiren Daishônin emprunte ici un exemple à l’histoire.
Ce Zhàogào était véritablement un homme mauvais à un degré inégalé.
Depuis toujours, des hommes mauvais hantent ce monde. Il n’y en a cependant
peut-être pas eu d’aussi mauvais que Zhàogào. Il était vassal de
l’empereur Shi de la dynastie des Qin[xiii].
Tant que l’empereur Shi, un homme des plus remarquables fut vivant, Zhàogào
resta docile. Cependant, une fois Shi décédé, ses noirs desseins s’extériorisèrent
enfin. Pour commencer, il complota avec le ministre Xiàosi[xiv]
et confectionna un faux testament de l’empereur Shi défunt par lequel il
faisait ordonner : “Exécutez mon fils aîné Fusu qui est un mauvais homme”.
Zhàogào dupa Huhài, fils cadet de Shi, en lui faisant exécuter son frère
sous prétexte de respecter la volonté de son père : “telles sont les dernières
volontés de votre père. Tuez Fusu et vous deviendrez empereur à sa place”.
C’est ainsi que Huhài devint le nouvel empereur de Chine.
A partir de ce moment, Zhàogào soucieux de son propre pouvoir se mit à
calomnier les membres de la famille de Shi et les jeunes nobles auprès de Huhài.
Ainsi, les membres de la noblesse furent tour à tour supprimés. Pour finir, il
fit même assassiner le premier ministre Xiàosi avec qui il s’était tout
d’abord associé. Dès lors, maîtrisant parfaitement Huhài, il se mit à
imposer ouvertement son pouvoir envers lui.
Il existe un épisode fameux parmi les persécutions qu’exerça Zhàogào
sur Huhài. Un jour, en présence de nombreux vassaux, Zhàogào amena un cerf
et dit à Huhài : “Je vous offre respectueusement ce cheval”.
L’empereur répondit : “Quelle stupidité dis-tu ? N’est-ce pas
là un cerf” ? L’autre dit : “Non votre Majesté, c’est bien
un cheval”. Se tournant vers la nombreuse assistance, il lui demanda :
“Moi je dis que c’est un cheval. Et vous” ? La plupart des nobles et
ministres présents, apeurés par le pouvoir et la ruse de Zhàogào, abondèrent
en son sens disant : “Effectivement, c’est un cheval”. Si par
aventure il s’était trouvé quelque personne refusant d’obéir à Zhàogào,
il l’aurait certainement payé cher par la suite. Ainsi, Zhàogào appuya Huhài,
lui faisant assassiner le reste de ses proches et, une fois qu’il ne subsista
plus que Huhài, il le maltraita moralement, dans le dessein de le placer sous
sa coupe.
Dans ces conditions le mécontentement et la contestation commencèrent
à poindre partout dans le pays. Le tumulte augmenta parmi la population. Zhàogào
supposa alors que Huhài finirait par lui faire endosser la responsabilité de
cette situation. Pensant que sa chute pouvait advenir, il usa d’artifices et
assassina alors l’empereur lui-même. Or, le mal ne pouvant éternellement
perdurer, le prince Ying, apparenté à l’empereur Shi, s’éleva contre lui
et le punit de mort. Par toutes sortes d’artifices, Zhàogào humilia donc
toute sa vie son souverain.
C’est pourquoi, Nichiren Daishônin écrit “… arrogant tel Zhàogào…”. Finalement, du fait d’avoir méprisé
le prince, Zhàogào fut lui-même détruit. Cet exemple cherche à montrer que
si les savants des autres sutra des autres écoles, Ornementation fleurie,
Nenbutsu ou zen, qui se détournent du Sutra du Lotus, méprisent le
pratiquant du Sutra du Lotus qui se centre entièrement sur la récitation
correcte du Daimoku, la mauvaise action d’offenser le Sutra du Lotus
entraînera immanquablement leur chute finale dans l’enfer aux souffrances
sans intermittence, comme ce fut le cas pour Zhàogào.
Par
ailleurs, le pratiquant du Sutra du Lotus qui récite le Daimoku sans en connaître
l’esprit et éveille en lui-même la disposition à régresser à la suite de
la menace des savants des autres écoles, est comme le Prince Huhài qui fut
menacé, puis assassiné par Zhàogào.
Cet exemple évoque les pratiquants du Sutra du Lotus qui, un
moment, eurent la foi mais se laissant duper par quelqu’un, abandonnèrent la
pratique.
Ce principe peut être appliqué aux gens d’aujourd’hui. Il y a en
effet des personnes qui, menacées ou amadouées par d’autres, se laissent
influencer et abandonnent la pratique. C’est la signification de : “éveille
la disposition à régresser en raison du mépris des savants des autres écoles”.
C’est similaire à Huhài, second prince de l’empereur Shi, qui, en raison
des ruses de Zhàogào, devint un moment l’empereur, mais qui par la suite fut
menacé, humilié, et finalement assassiné par le même Zhàogào.
Les pratiquants, les fidèles du Sutra du Lotus, pénètrent dans
un noble enseignement. S’ils récitent le Daimoku, sans en connaître le cœur
profond, le mauvais lien apparaîtra. Alors, menacés par des gens des autres
enseignements, influencés par les membres de la Soka Gakkai constituant le
mauvais lien, ils retournent dans la Soka Gakkai alors qu’ils avaient adopté
la foi correcte du Hokkekô. Cet exemple correspond à celui cité par Nichiren
Daishônin, qui indique que lorsqu’on commet un tel acte un effet tel que la
mort violente se produit, entraînant immanquablement la chute en enfer.
Nam
Myôhôrengekyô est non seulement l’essentiel de tout l’enseignement du
Bouddha, c’est le cœur du Sutra du Lotus, sa substance, son aboutissement.
Ici, Nichiren Daishônin écrit que l’essentiel du Sutra du Lotus
est “Nam Myôhôrengekyô” et non pas “Myôhôrengekyô”. Lorsqu’on
regarde en effet le Gohonzon, sa substance est exprimée non pas par “Myôhôrengekyô”,
mais invariablement par “Nam Myôhôrengekyô”. “Namu” est inscrit de
manière à exprimer la substance du point de vue à la fois de l’identité de
la Personne et du Dharma, et de l’identité du Dharma et de la Personne,
unicité de la Personne et du Dharma. De plus, “le
cœur du Sutra du Lotus” désigne le cœur fondamental, situé au plus profond des phrases. C’est également “sa substance”, c’est-à-dire son corps véritable et
“son aboutissement”, autrement dit sa finalité. En ce sens, je vois
dans ce passage l’explication du Gohonzon de l’unicité de la Personne et du
Dharma, principe ultime du Sutra du Lotus, évoqué là du point de vue
de la signification profonde de Nam Myôhôrengekyô.
Ainsi, après que Nichiren Daishônin ait décrit son apparition dans la
Fin du Dharma et sa propagation de Nam Myôhôrengekyô, alors que “c’est
une doctrine si sublime”, de nombreuses personnes, constatant l’aspect
d’homme ordinaire de Nichiren Daishônin, le tournèrent en dérision, le
ridiculisèrent en doutant même de sa qualité à propager un enseignement si
remarquable.
C’est
une doctrine si sublime. Pourtant, au cours des plus de deux mille deux cent
vingt ans après l’extinction de l’Eveillé, aucun des vingt-quatre récipiendaires
de la transmission en Inde ne la propagea.
Le Dharma du Bouddha fut transmis du vénéré Shakya au Grand Kasyapa.
Ce dernier le transmit à son tour à Ananda qui le transmit à Madhyantika, qui
à Shanavashin.
Plus tard, Asvaghosa[xv],
puis Nagarjuna le reçurent également et le transmirent, le dernier de ceux-ci
étant Simha. Telle est
l’histoire du bouddhisme au cours de laquelle vingt-quatre successeurs, récipiendaires
du Dharma, le transmirent correctement. Or,
aucun de ces vingt-quatre ne propagea Nam Myôhôrengekyô.
En Chine, ni Zhiyi, ni Miaolo ne la divulguèrent.
Au début de ce Gosho, Nichiren Daishônin cite les Mots et phrases,
ainsi que les Notes. Le premier livre est un ouvrage de Zhiyi, le second
fut écrit par Miaolo. La logique et les distinctions correctes qu’établirent
Zhiyi et Miaolo, forts de leur parfaite connaissance de l’ensemble des
enseignements de Shakyamuni, sont absolument fantastiques. Avant eux, il y eut
de nombreux savants. Toutes les écoles furent fondées par des maîtres issus
de ce groupe de savants. Mais tous étaient insensés ou se trompaient. Par
contre, Zhiyi et Miaolo évaluèrent avec justesse les enseignements complexes
du Bouddha, identifiant le Petit véhicule comme étant le Petit véhicule, le
Grand véhicule comme étant le Grand véhicule, les enseignements provisoires
pour ce qu’ils étaient et l’enseignement véritable à sa juste valeur. Ce
n’était certainement pas une classification aisée à réaliser.
Aujourd’hui encore, on peut lire les ouvrages écrits par Zhiyi et
Miaolo. Du point de vue de l’enseignement de la doctrine originelle, leur
source se trouve dans la doctrine originelle même. En effet, si on lit leurs
doctrines du point de vue de celle de Nichiren Daishônin, enseignement de
l’ensemencement, alors on peut comprendre leur signification. En fait, la
doctrine de Nichiren Daishônin représente la véritable clef pour aborder ces
enseignements.
L’enseignement de Zhiyi et de Miaolo est la doctrine éphémère du Sutra
du Lotus. En effet, ils reçurent la transmission du sutra entier et effectuèrent
le travail de synthèse de l’ensemble des enseignements du vénéré Shakya.
Autrement dit, ces illustres personnages, n’ayant pas reçu la transmission de
l’essentiel du Sutra du Lotus, ne pouvaient en aucun cas être en
mesure de diffuser Nam Myôhôrengekyô.
Au Japon, ni le Prince Shôtoku[xvi] ni même le grand maître Dengyô[xvii] ne la prêchèrent.
Même au Japon, jamais Nam Myôhôrengekyô ne fut ni exprimé, ni prêché.
Aussi, les gens pensent qu’un banal maître du Dharma n’est apte qu’à proférer des erreurs et ne croient pas en son enseignement. C’est d’une grande logique.
L’expression “banal maître du
Dharma” (wa hôshi) était jadis souvent utilisée. “wa” possède un sens de familiarité, d’intimité. On peut également
dire que ce mot exprime une forme de tutoiement. Or, ce tutoiement, plus qu’un
sentiment de respect, dégage plutôt un certain manque d’égards. Ici également,
au-delà d’une notion de respect, c’est un sentiment de mépris que souligne
Nichiren Daishônin. On pourrait très bien traduire par “un individu tel que
toi”. C’est certainement dans ce sens dédaigneux qu’il utilise ici cette
expression “wa hôshi” “banal maître
du Dharma”.
Autrement dit, “ce que peut dire un individu tel que toi ne peut être
qu’erroné”. Et il rajoute que ceux qui disent cela se conforment à la
raison.
Là, Nichiren Daishônin cite un exemple :
Par exemple, personne ne crut que Zhàoyun avait été souillée par un guerrier abject.
On dit que Zhàoyun (j. Shôkun), dont le nom complet était Wang Zhàoyun
(j. Ô Shôkun), était une femme d’une beauté incomparable.
A l’époque de l’empereur Yuan des Han antérieurs, son gynécée
comprenait un grand nombre de beautés. Il semblerait que Wang Zhàoyun était
alors la plus belle. Ces femmes étaient si nombreuses que pour en mander une,
l’empereur ne disposant pas, comme ce serait le cas aujourd’hui de
photographies, demandait à un peintre de lui dessiner le portrait de chaque
belle. C’est à l’aide de ce portrait qu’il décidait laquelle il
inviterait. Or, pour son malheur, Wang Zhàoyun avait un très fort amour-propre
et, alors que les autres femmes payèrent des pots-de-vin au peintre afin
qu’il les dessine plus jolie, seule Wang Zhàoyun ne lui donna rien. Par méchanceté
et pour se venger de n’avoir reçu aucun argent, le peintre la représenta
intentionnellement avec des traits vulgaires, portrait qu’il montra ainsi à
l’empereur. A la vue de ce portrait, l’empereur Yuan, non prévenu de sa
beauté sans pareille ne la choisit pas. En fin de compte, les Xiongnu[xviii]
arrivèrent, voulant prendre des beautés des Han comme concubines. Quant il
fallut leur donner l’une d’entre elles, l’empereur choisit Wang Zhàoyun,
la pensant laide. Au moment de partir définitivement, Wang Zhàoyun se présenta
chez l’empereur Yuan. Celui-ci fut extrêmement désappointé face à sa beauté
sublime, en comparaison de laquelle les autres femmes présentaient un visage
sans âme. Mais il avait donné sa parole et c’est en pleurant toutes les
larmes de son corps qu’elle partit avec les Xiongnu dans leur pays, où elle
mourut, le cœur empli de haine vis-à-vis de Yuan. C’est une histoire fort
triste.
Après cette digression, on avait beau dire que la belle Wang Zhàoyun “avait
été souillée” par un soudard Xiongnu, personne ne voulut croire une
telle stupidité.
Ici, Nichiren Daishônin symbolise Nam Myôhôrengekyô par l’intermédiaire
de Wang Zhàoyun, lui-même étant symbolisé par le “guerrier équivoque”. De la même manière que personne ne peut
croire certaines choses, qui pourrait croire qu’un être aussi grossier, aussi
vulgaire que Nichiren puisse diffuser correctement Myôhôrengekyô ?
Comment
un banal maître du Dharma pourrait-il donc réciter Nam Myôhorengekyô, cœur
du Sutra du Lotus, que n’ont propagé ni Tendai ni Dengyô, eux-mêmes
comparables pourtant à de grands ministres, des nobles de la Cour ?
Zhiyi et Saichô tiennent un rang extrêmement élevé au sein du
bouddhisme. Ils ont apporté une contribution immense à cet enseignement. Ils
sont comparables à de grands ministres qui gèrent la nation ou à des nobles
de la cour, proches de l’empereur et chargés d’importantes missions.
Certains doutaient de la qualification de Nichiren Daishônin : comment un
vulgaire moine tel que toi peut-il réciter
Nam Myôhôrengekyô, “cœur du
Sutra du Lotus”, alors que des hommes aussi remarquables que Zhiyi et
Saichô ne l’ont pas diffusé ?
A partir de là, Nichiren Daishônin donne la raison pour laquelle il est
le véritable guide. La raison en est qu’il répond au temps et à la
prédisposition.
Mais,
vous autres, savez-vous ceci ? Le corbeau, oiseau pourtant des plus
vulgaires, connaît toutes les bonnes et mauvaises fortunes de l’année,
choses que ne savent ni l’aigle ni la buse.
Le corbeaux est considéré comme un oiseau plus vulgaire que l’aigle
ou la buse. Certes, les corbeaux ne sont pas vraiment des oiseaux élégants.
Pourtant, on leur attribue la capacité étrange de connaître l’avenir, au
point qu’on les considère comme les réincarnations de devins. C’est ce que
l’on disait jadis et certains le disent encore aujourd’hui.
Même si le serpent est de beaucoup inférieur au dragon ou à l’éléphant, il anticipe les inondations sept jours à l’avance.
Le serpent anticipe sept jours à l’avance l’arrivée des inondations.
En effet, sept jours avant les inondations, ils transfèrent leur lieu
d’habitation. D’aspect, le serpent ne peut rivaliser avec ces grands et
puissants animaux que sont dragons et éléphants. Toutefois, il est très
habile dans la perception des inondations.
Même si Nagarjuna ou Zhiyi ne l’avaient pas connue, pourquoi douter d’une doctrine qui apparaît clairement dans le sutra ?
Nagarjuna est appelé l’auteur de mille traités. Quant à Zhiyi, le
grand maître du Tendai, il jugea et commenta de manière correcte l’intégralité
des enseignements développés par le vénéré Shakya tout au long de sa vie. Même
si, en apparence, de tels personnages ne connaissaient pas cette doctrine,
pourquoi en douter si elle apparaît clairement dans les phrases du sutra ?
Il ne faut, au contraire, absolument pas en douter.
L’important est qu’elle “apparaît
clairement dans le sutra”. D’abord, la pratique et l’attitude de
Nichiren Daishônin sont véritablement la pratique de la doctrine originelle du
Sutra du Lotus. En effet, cette pratique est celle de shakubuku telle que la pratiqua le bodhisattva Sans mépris[xix]
disant : “pourtant je m’obstine
à les empoisonner”[xx]. Différente des
pratiques préconisées dans le chapitre « Pratiques aisées[xxi] »
de la doctrine éphémère du Sutra du Lotus, la pratique de la doctrine
originelle est shakubuku. Le fondement
de cette pratique est la pratique du salut respectueux du bodhisattva Sans mépris
qui consistait à “s’obstiner à les empoisonner”. Nichiren Daishônin désigne
sans cesse ainsi dans ses écrits sa propre pratique de shakubuku
en faisant le parallèle avec l’attitude du bodhisattva Sans mépris. C’est
une des raisons pour lesquelles il écrit ici : “elle
apparaît clairement dans le sutra”.
C’est pourquoi seul Nichiren Daishônin lut physiquement, chaque mot,
chaque phrase des “stances en vingt lignes” du chapitre « Exhortation
à garder ». Après l’extinction du vénéré Shakya, il y eut véritablement
de nombreux bouddhistes. Il y en eut de toutes sortes mais hormis Nichiren Daishônin,
pas un ne lut parfaitement les “stances en vingt lignes” du chapitre
« Exhortation à garder ». Lui-même écrivait que parmi les persécutions
dues au fait du souverain, il fut le seul à subir celle des “expulsions à
maintes reprises”. Il n’y a d’ailleurs pas de raison que nous-mêmes les
expérimentions. C’est à partir du moment où le Bouddha de la Fin du Dharma
est apparu en ce monde et qu’il agit en tant que pratiquant du Sutra du
Lotus, qu’il peut en lire chaque mot et chaque phrase. Là, réside la
signification de “apparaît clairement
dans le sutra ”. En ce sens, la phrase suivante du chapitre « Durée
de la vie » indique que le Dharma ni propagé par Zhiyi ni par Saichô,
est Nam Myôhôrengekyô :
“Je pose ici ce bon remède”
(ze kô rô yaku, kon ru zaishi).
Que la diffusion de Nam Myôhôrengekô soit révélée dans le chapitre
« Durée de la vie » montre aussi qu’elle apparaît clairement
dans le sutra.
Ensuite, les transmissions particulières et la transmission de
l’essentiel sont explicitées dans le chapitre des « Pouvoirs divins »,
sur la base de la doctrine prêchée dans le chapitre « Durée de la vie ».
De plus, dans le chapitre « Passation», il existe une transmission générale
du Sutra du Lotus entier, hormis le Dharma essentiel, et une transmission
des sutra développés pendant plus de quarante années. Zhiyi et Saichô
apparus dans la période de la Semblance du Dharma, reçurent la transmission du
Sutra du Lotus entier et, à ce titre, commentèrent avec rectitude les
enseignements donnés par l’Eveillé tout au long de sa vie et les diffusèrent.
Tout cela dépend uniquement de la transmission.
Par contre, en ce qui concerne la transmission de l’essentiel, ce qui
est transmis en tant que Dharma essentiel consiste aux cinq, sept caractères de
Nam Myôhôrengekyô. Que Nichiren Daishônin les propage relève également du
fait que cela “apparaît clairement dans
le sutra”. Aussi, lorsqu’on considère de manière correcte les phrases
du Sutra du Lotus, sur la base des orientations que donna Nichiren Daishônin
tout au long de sa vie, on s’aperçoit naturellement que son action, sa
pratique, ou encore la substance du Dharma qu’il propagea apparaissent
clairement dans les phrases du sutra. Pour cette raison, critique soit-on envers
Nichiren, il ne faut cependant pas en douter.
Refuser
de réciter Nam Myôhôrengekyô en raison de son mépris pour Nichiren c’est
être comme le nourrisson qui se méfierait du lait et ne le boirait pas.
C’est être comme le malade qui n’aurait pas confiance dans le médecin et
refuserait le remède.
Ne pas réciter Nam Myôhôrengekyô par mépris de Nichiren est
comparable à un nourrisson qui ne boirait pas son lait par méfiance, ou à un
malade qui ne boirait pas le remède prescrit par son médecin sous prétexte
qu’il n’a pas confiance en lui.
La maladie guérit grâce au bon remède prescrit par un bon médecin.
Par contre, boire jusqu’à plus son soûl un remède inefficace prescrit par
un mauvais médecin, ne permet pas la guérison. Vous-mêmes, Mesdames et
Messieurs, lorsque vous tombez malades et prenez des médicaments, le Daimoku
est certes le meilleur des remèdes. Toutefois, il faut malgré tout consulter
un bon médecin et ingérer le bon remède. Par contre, si vous vous méfiez du
bon remède prescrit par un bon médecin, en s’abstenant de le prendre, votre
état de santé ne s’améliorera pas. En ce qui concerne plus particulièrement
Nam Myôhôrengekyô, le Daimoku est l’excellent remède tant pour le corps
que pour l’esprit.
Nagarjuna
et Vasubandhu connaissaient (cette doctrine) mais ne la propagèrent pas car ni
le temps ni la prédisposition n’étaient alors propices.
Nagarjuna, Vasubandhu et, bien entendu Zhiyi et Saichô, connaissaient
tous (la substance du Dharma merveilleux). Mais, en fonction du principe de
“la froideur du miroir intérieur”[xxii],
bien qu’ils la comprenaient intérieurement, ils ne la diffusèrent pas parce
que les trois éléments, temps, prédisposition et transmission, n’étaient
pas réunis. Autrement dit, le temps des cinq souillures de la Fin du Dharma
n’était pas encore venu et la prédisposition à la propagation du Dharma
merveilleux du Sutra du Lotus n’était pas encore apparue. En outre, du
point de vue de l’ordre de la propagation des enseignements, ils n’avaient
pas reçu la transmission. Le vrai Saint propage correctement ce dont il a reçu
la transmission. Tel est l’aspect des Saints du bouddhisme dans les trois pays[xxiii].
Ne pas tenir compte de ce principe et propager ce dont on n’a pas reçu la
transmission est une erreur et adapter à sa guise l’enseignement du Bouddha
constitue de plus une grave offense au Dharma. Du point de vue du bouddhisme,
cet acte représente le pire des crimes : celui que le Shingon et Kôbô
ont perpétré.
En revanche, Nagarjuna, Vasubandhu, Zhiyi et saichô étant des Saints, même
s’ils connaissaient le Dharma merveilleux intérieurement, ils ne le propagèrent
pas : ni le temps, ni la prédisposition ne s’y prêtaient. Ils
n’avaient pas reçu non plus le pouvoir de transmettre.
Les autres ne la prêchèrent pas parce qu’ils ne la connaissaient pas.
Hormis ces personnages pour lesquels Nam Myôhôrengekyô était connu
mais qui ne l’ont pas prêché, les autres ne le diffusèrent pas non plus,
par ignorance.
Le Dharma du Bouddha se propage en fonction du temps et de la prédisposition. L’insignifiant Nichiren satisfait quant à lui au temps.
Nichiren Daishônin évoque à présent le temps et la prédisposition.
Je pense que vous avez tous entendu dire que le temps est un élément important.
Mais en bouddhisme, propager en fonction de la prédisposition est également
important.
Les philosophes d’aujourd’hui affirment par exemple : “Moi je
me suis éveillé à telle vérité”. Or, en bouddhisme, ce à quoi s’est éveillé
le Bouddha, sa sapience et sa sagesse ne sont pas des idées superficielles dont
on fait étalage. Le Bouddha s’est éveillé à la véritable ainsité du
monde des dharma. C’est de là qu’il éclaire les êtres plongés dans
l’illusion et qu’il peut véritablement les sauver et les guider. Là, réside
la signification de l’enseignement du Bouddha. Tel est le sens de “en fonction de la prédisposition”. C’est pourquoi, il
n’existe nulle part de sermon du Bouddha qui n’ait pas pour objectif de
sauver les êtres. Autrement dit, le bouddhisme a été enseigné uniquement
pour convertir et guider les êtres. De ce point de vue, la propagation du
Dharma merveilleux par Nichiren Daishônin qui possède complètement l’intégralité
des principes et vérités révélés dans les sutra, convient au temps, celui
de la Fin du Dharma.
Nous arrivons enfin à la conclusion de cet écrit.
Or, les gens de notre époque pensent que les cinq idéogrammes de Myôhôrengekyô en sont seulement le nom. Mais ce n’est pas le cas. Ils en sont la substance. La substance est le cœur.
Le “nom” dont il est
question ici est le nom du sutra.
Tout à l’heure nous avons vu que le titre d’un sutra désigne son
contenu. Le fait est que beaucoup considèrent de manière superficielle que le
titre d’un sutra est simplement son nom. Ainsi, beaucoup de personnes considèrent
que Myôhôrengekyô est simplement le nom du Sutra du Lotus en
vingt-huit chapitres, répartis sur huit fascicules. Or, en vérité, ce n’est
pas du tout cela. Myôhôrengekyô en est en fait l’essence. Et, comme l’écrit
Nichiren Daishônin, “la substance est
le cœur”. La substance (l’essence) est telle quelle le cœur, dont le
niveau le plus fondamental est le cœur du Bouddha, la sagesse de l’Eveillé.
En ce qui concerne “la substance”,
au sein de la doctrine éphémère, il s’agit du véritable aspect des
dharma. Vous lisez chaque jour :
“Seulement
de Bouddha à Bouddha, le véritable aspect des dharma est saisi dans son intégralité”
(Yui butsu, yo butsu nai nô ku jin sho hô jissô).
Ce véritable aspect des dharma
(sho hô jissô) constitue en réalité la
substance des quatorze chapitres de la doctrine éphémère.
Quant à la substance de la doctrine originelle, celle-ci est
clairement indiquée dans le chapitre « Durée de la vie » par les
mots :
“Pouvoirs divins
et communicants, secrets et hermétiques de l’Ainsi-venant” (nyorai himitsu
jinzû shi riki).
Le grand maître du Tendai a clairement expliqué dans ses
commentaires que ”secrets et hermétiques
de l’Ainsi-venant” (nyorai himitsu) se rapporte au triple corps en
sa substance[xxiv] et que “pouvoirs
divins et communicants” (jinzû shi riki) se rapporte au triple corps en
son application[xxv].
C’est le triple corps doté à la fois de la substance et de l’application[xxvi],
les trois corps (Dharma, rétribution et communication) présents en permanence
depuis le passé infini qui est révélé dans le chapitre « Durée de la
vie ».
En ce sens, le cœur du Bouddha dont il est question ici étant
la sagesse de l’Eveillé, ce cœur est vaste et profond, totalement impossible
à sonder par notre compréhension. Pourtant, je pense que, du point de vue de
la structure fondamentale du bouddhisme, il est juste de comprendre que Nichiren
Daishônin a écrit “est
le cœur”, en désignant
ce qu’il y a de plus fondamental dans la sagesse d’Eveillé du Bouddha.
Guanding écrivait : “Certes, l’introduction royale décrit le sens mystérieux du sutra. Le sens mystérieux se réfère au cœur des phrases”.
Comment pensez-vous que le Sens mystérieux, les Mots
et phrases et le Grand arrêt et examen, du grand maître du Tendai,
tous trois composés de dix volumes et renfermant ses profondes doctrines,
existent encore aujourd’hui ? En ce qui concerne Nichiren Daishônin, il
a lui-même écrit tous ses traités, aussi bien le Traité qui ouvre les
yeux, que le Traité sur la sérénité du Pays par l’établissement de
la Rectitude. Or, dans le cas de Zhiyi, ce ne sont pas ses propres écrits.
En fait, toutes les difficiles doctrines qu’il a exposées, il les avait à
l’esprit et les enseignait comme on fait couler l’eau sur une surface inclinée.
C’est le grand maître Guanding [xxvii] qui les a prises en notes. On s’étonne
encore qu’il ait pu noter toutes ces doctrines difficiles. C’est grâce à
lui que le Sens mystérieux, les Mots et phrases et le Grand
arrêt et examen, œuvres de Zhiyi qui ont parfaitement synthétisé
l’ensemble de l’enseignement du Bouddha existent encore aujourd’hui et
nous permettent de comprendre l’enseignement du vénéré Shakya. On peut dire
que c’est grâce aux capacités de Guanding que nous en avons connaissance.
Pour parler plus précisément du Sens mystérieux, au
sein des trois œuvres majeures de Zhiyi, lorsque Guanding l’a retranscrit,
Zhiyi lui-même a rajouté des introductions. Il y a en tout trois introductions
dont deux furent écrites par Zhiyi. Juste après la première introduction du
grand maître du Tendai, Guanding écrivit : “Certes,
l’introduction royale décrit le sens mystérieux du sutra. Le sens mystérieux
se réfère au cœur des phrases”.
“Introduction royale” qualifie
l’introduction de Zhiyi. “Royale” possède le sens de commencement, de source du texte
entier du Sens mystérieux.
Zhiyi y définit simplement Myôhôrengekyô, disant :
Certains
ont déjà entendu cette phrase.
“Hô
représente le Dharma des dix mondes, celui des dix Ainsi, celui du provisoire
et du véritable”.
Ensuite,
commentant “Renge”, il cite les six métaphores de la doctrine originelle et
de la doctrine éphémère[xxviii].
Il y a trois métaphores dans la doctrine éphémère et trois dans la doctrine
originelle.
Lorsque
la fleur du lotus apparaît, seule la fleur est visible, le lotus, situé à
l’intérieur, est invisible. Aussi, en ce sens où la fleur existe pour le
lotus, on dit que “la fleur existe pour le lotus”. Ensuite, avec le temps,
la fleur s’ouvre et, en même temps, le fruit situé à l’intérieur apparaît.
C’est ce que l’on nomme : “la fleur s’ouvre et le lotus apparaît”.
Enfin, dans le troisième temps, la fleur est complètement tombée, mais le
fruit du lotus est complètement mature. C’est ce que l’on appelle :
“la fleur tombe et le lotus s’épanouit”. Telles sont les trois formes de
la fleur du lotus.
Du
point de vue de la doctrine éphémère, les enseignements provisoires, moyens
antérieurs au Sutra du Lotus sont “la fleur”, alors que le Sutra
du Lotus est symbolisé par le Lotus.
Si
l’on part du principe selon lequel “la fleur existe pour le Lotus”, tous
les sutra antérieurs ont été enseignés pour le Sutra du Lotus. Aussi,
dans ce cas, on “présente le provisoire pour (introduire) le véritable”.
Ensuite, au sens où la fleur s’ouvre et le lotus apparaît, “le provisoire
s’ouvre et le véritable apparaît”. Autrement dit, c’est “l’ouverture
du provisoire pour révéler le véritable”. Enfin, “le lotus s’épanouit
une fois que sa fleur est tombée”, ce qui symbolise “l’abandon du
provisoire pour établir le véritable”.
A
l’opposé, du point de vue de la doctrine originelle, la comparaison est faite
cette fois entre la doctrine originelle et la doctrine éphémère. Dans ce cas,
“la fleur existe pour le Lotus” se rapporte à “l’éphémère qui s’écoule
de l’originel”, ce qui signifie que l’enseignement développé par le vénéré
Shakya tout au long de sa vie représentait l’écoulement de l’éphémère
à partir de l’originel du passé infini. Ensuite, en ce qui concerne “la
fleur s’ouvre et le Lotus apparaît”, c’est l’ouverture de l’éphémère
pour dévoiler l’originel. Le vénéré Shakya a donné ses divers
enseignements, y compris la doctrine originelle (quatorze premiers chapitre du Sutra
du Lotus) en tant que Bouddha à l’éveil obtenu, pour la première fois
en cette vie (j. shijô shôgaku),
c’est-à-dire après avoir quitté la demeure à l’âge de dix-neuf ans et
être devenu Bouddha pour la première fois à l’âge de trente ans. En vérité,
il avait le corps du Bouddha depuis le passé lointain. C’est ce qu’il révéla
(dans le seizième chapitre) en dévoilant l’éveil véritable dans le passé
lointain (j. kuon jitsujô). Enfin,
pour terminer, “la fleur tombe et le Lotus naît”. Il s’agit là
“d’abandonner l’éphémère et d’établir l’originel”.
Guanding rajouta son propre commentaire à cette “introduction royale”,
en écrivant : “Certes,
l’introduction royale décrit le sens mystérieux du sutra. Le sens mystérieux
se réfère au cœur des phrases”. En réalité, le commentaire de
Guanding se poursuit par une phrase que Nichiren Daishônin a intentionnellement
occultée. Cette phrase est :
“Le cœur des phrases ne se
situe pas ailleurs que dans l’éphémère et l’originel”.
Ces
mots sont ceux de Guanding et Nichiren Daishônin les a supprimés. Je vois
personnellement dans cette attitude, sa préparation à enseigner le Dharma
merveilleux, en tant que guide et maître dans la Fin du Dharma.
En effet, si on laisse “le cœur
des phrases ne se situe pas ailleurs que dans l’éphémère et l’originel”,
cela revient à dire que le sens mystérieux que Zhiyi a donné de Myô,
de Hô et de Renge dans son
“introduction royale”, c’est-à-dire un cœur extrêmement profond, ce cœur
est dès lors celui de chaque mot, de chaque phrase, de chacun des soixante-neuf
mille trois cent quatre-vingt-quatre idéogrammes des vingt-huit chapitres du Sutra
du Lotus entier.
Les
mots expriment forcément quelque chose. Le sens est ce qui est exprimé par les
mots. Cette relation existe nécessairement. Au quotidien, nous, êtres humains,
échangeons mutuellement des propos. Chaque mot possède une signification. De même,
les phrases des sutra possèdent elles aussi une signification. Dès lors, si
l’on prend l’exemple de Myôhôrengekyô, les mots Myô Hô Renge Kyô possèdent
un cœur et, en même temps, ce cœur possède une profonde signification. Cette
dernière apparaît à son tour au niveau des phrases.
La
doctrine éphémère et la doctrine originelle possèdent toutes deux une
signification propre. La première exprime le Dharma merveilleux révélé par
l’ouverture du provisoire pour révéler le véritable (j. kaigon
kenjitsu) faite à travers l’exposition du véritable aspect des dharma.
La seconde exprime le Dharma merveilleux révélé par l’ouverture de l’éphémère
pour révéler l’originel (j. kaishaku
kenpon). Or, en fait, la phrase du grand maître de Zhangan (Guanding)
“le cœur des phrases ne se situe pas ailleurs que dans l’éphémère et
l’originel”, place sur un plan unique les huit volumes du Sutra du
Lotus éphémère, “trace descendue” (aspect manifeste et provisoire)
depuis le passé lointain.
L’idée dominante de ce commentaire est que Myôhôrengekyô ne se réfère pas à des mots, ni à un sens. Le commentaire signifie qu’il est véritablement le cœur du sutra.
Ici,
Nichiren Daishônin exprime le fond de sa pensée par cette négation : “ne
se rapporte pas à des mots, ni à un sens”. Il montre en particulier la
signification de diffuser Myôhôrengekyô, objet de la transmission de
l’essentiel, en tant que guide et maître de la propagation de la doctrine
originelle.
Ainsi,
ceux qui recherchent le cœur du Sutra du Lotus en dehors de son Titre (Daimoku),
sont comme la tortue incohérente qui recherchait le foie sans le singe. Ce sont
des gibbons partis de la montagne forestière pour chercher des fruits dans
l’océan. Quelle vanité ! Quelle tristesse !
Vous connaissez tous cette fable, bien qu’ici, Nichiren Daishônin ait
écrit “tortue” alors qu’à
l’origine, il s’agirait d’une sorte de dragon portant des cornes.
Autrefois, au milieu de l’océan, ce dragon vivait avec sa femelle.
Celle-ci devint gravide. Un jour, elle lui dit qu’elle voulait manger un foie
de singe. Alors, le dragon alla parler à un singe qui vivait dans les arbres de
la montagne. Il lui dit que de l’autre côté de la mer, il y avait des fruits
délicieux et lui proposa de l’y emmener. C’est ainsi qu’il l’attira
vers la mer. C’est cette scène que Nichiren Daishônin dépeint par le
passage suivant en évoquant les “gibbons
qui quittent la montagne forestière pour chercher des fruits dans l’océan”.
Le singe, naïf, fut adroitement pris au piège.
Lorsqu’ils furent arrivés au beau milieu de l’océan, le dragon
avoua la vérité au singe : “en fait, c’est ton foie, que je veux”.
Le singe répondit : “Mais pourquoi ne me l’as tu pas dit plus tôt ?
J’ai laissé mon foie sur mon arbre et je ne l’ai pas sur moi. Je vais le
chercher, ramène-moi chez moi”. Le dragon le ramena vers la plage. Une fois
arrivés au bord de l’eau, le singe qui voyageait sur le dos du dragon sauta
à terre et s’enfuit dans son arbre. Il dit au dragon : “tu es un vrai
imbécile. Où mon foie pourrait-il être, ailleurs que dans mon ventre ?
Tu t’es fait avoir et moi j’ai échappé de peu à la mort”. Cette partie
est illustrée par la phrase précédente : “des
tortues incohérentes qui recherchent le foie sans le singe”. Autrement
dit, le singe qui avait délaissé sa montagne forestière pour chercher des
fruits dans l’océan était lui-même incohérent et stupide. Le dragon, quant
à lui, dupé à son tour par le singe, était également stupide. Tous deux étaient
des niais.
La directive donnée par Nichiren Daishônin, à travers ce conte, est
que ce que l’on recherche véritablement se trouve à l’endroit où il doit
être. Ce que nous recherchons, parmi tous les enseignements du Bouddha, est le Sutra
du Lotus et, dans la Fin du Dharma, les cinq, sept caractères de Nam Myôhôrengekyô,
fondement de la véritable voie vers la boddhéité. C’est ce cœur-là que
nous devons rechercher.
Autrement dit, dans la Fin du Dharma, ce cœur est Myôhôrengekyô qui
permet de réaliser l’éveil dès ce corps. C’est en recevant, gardant,
croyant et pratiquant avec rectitude le dharma merveilleux de l’ascèse
personnelle et de la conversion d’autrui, c’est en augmentant par shakubuku les œuvres et vertus de l’harmonie des corps différents
animés d’un esprit identique que nos fautes commises depuis de lointains éons
passés seront purifiées et que nous obtiendrons le vrai bienfait de devenir
Bouddha. Nichiren Daishônin nous assure que nous pouvons immanquablement y
parvenir. Nous devons par conséquent graver en nous cette directive.
Parmi les éléments qui nous font tomber dans le malheur, sont les trois
poisons : l’avarice, la colère et la stupidité. Recevoir, garder,
croire et pratiquer sérieusement Nam Myôhôrengekyô permet la purification de
ceux-ci et l’obtention du véritable bonheur. C’est là que résident les véritables
œuvres et vertus de devenir Bouddha. Autrement dit, réciter sincèrement le
Daimoku et, sur cette base et en fonction des liens divers, faire shakubuku,
nous permet de manière naturelle de voir distinctement l’aspect de notre vie
éclairée par le Dharma merveilleux et de nous dire “je suis malheureux parce
que je suis sous l’emprise de ma cupidité, de ma colère ou de ma sottise”.
Nous devons réaliser les véritables œuvres et vertus de l’éveil,
permanentes à travers les trois phases, par notre ascèse biquotidienne en
suivant telles quelles les orientations de Nichiren Daishônin. Nous devons également
manifester des vies respectables en sauvant de nombreuses personnes grâce aux
vertus du Dharma merveilleux.
Je termine le sermon de ce jour en priant du fond du cœur pour
l’accroissement de votre foi et de votre pratique.
NOTES SUR LE TEXTE
[i]
Merveille du bienfait (j. Riyaku myô)
: l’une des dix merveilles de la doctrine éphémère et des dix
merveilles de la doctrine originelle (dans ce cas, on dit merveille du
bienfait originel où hon riyaku myô)
dégagées par Zhiyi dans son Sens mystérieux du Lotus. La première,
merveille du bienfait de la doctrine éphémère, est définie de la manière
suivante : “ Enseignant le Dharma, le
Bouddha permet à tous les êtres de s’ouvrir puis de s’éveiller à
leur nature originelle. Ils peuvent ainsi pénétrer dans la sagesse et la
vision du Bouddha ; ceci est semblable à la pluie qui arrose la terre et
apporte ses bienfaits de manière universelle. Ce bienfait est merveilleux
et inconcevable”.
La
seconde, merveille du bienfait originel est : “le bienfait originel
de la terre de la lumière sereine dont le Bouddha fait profiter les êtres.
Le Sutra définit ce bienfait par les paroles : « Lorsque
tous, ressentent la joie »”. Cf. « Les dix merveilles et
les dix non-dualités » : BEF n° 25 p. 17 à 20.
[ii]
Kan : unité de monnaie ; 1 kan était
constitué de mille mon (neuf cent soixante en des époques plus récentes).
Un mon était une pièce percée
d’un trou en son milieu et pesant un monme
(3,8 grammes).
[iii]
Les huit enseignements sont les quatre doctrines classées selon le contenu
de leur enseignement (j. kehô no
shikyô) : corbeilles, communs, particuliers et parfait et les
quatre doctrines classées selon leur méthode d’enseignement (j. kegi
no shikyô) : subite, progressive, secrète et indéterminée.
[iv]
Notes sur les régions du Ponant (j. sai
iki ki ou encore sei iki ki) :
ouvrage en douze fascicules écrit au début du septième siècle par
Xuanzan (600 – 664), consacré au voyage qu’il fit en Inde et dans les régions
de l’ouest, à la recherche des sutra. Il y consigna minutieusement tout
ce qu’il vit et entendit, ou tout ce qu’on lui transmit au cours de ce périple
qui le mena dans environ cent quarante pays, de 629, année où il quitta la
Chine, à 645, sur la géographie régionale, l’histoire, les langues, les
mœurs, le bouddhisme et la politique. Le premier fascicule est constitué
du préambule de Xuanzan et de la situation de trente-quatre pays de
l’Asie centrale. Dans la première moitié du deuxième volume, il décrit
la topographie, les langues et les mœurs de l’Inde. De la seconde partie
de ce fascicule à la première moitié du quatrième, il relate la
condition du nord de l’Inde. De la seconde moitié du quatrième fascicule
à la première moitié du dixième, il traite ensuite de l’Inde centrale,
puis, dans la seconde partie du dixième fascicule, de l’est de l’Inde.
L’ouest de l’Inde constitue le thème du onzième fascicule. Dans le
douzième et dernier fascicule, Xuanzan décrit les pays de l’Asie
centrale qu’il traversa sur le chemin du retour en Chine. Cet ouvrage décrit
donc de vastes régions comprenant l’Inde, l’Asie centrale et l’Asie
mineure. Le but du voyage de Xuanzan étant avant tout la recherche des
sutra bouddhiques, il consacra les huitième et neuvième volume de son
ouvrage au pays de Magadha, terre natale de l’enseignement du Bouddha.
Aujourd’hui encore, les Notes sur les régions du Ponant de Xuanzan
demeurent un précieux document pour l’étude de l’Inde et de ses régions
occidentales.
[v]
Xuanzan (j. Genjô) (600 – 664) :
moine chinois de la dynastie des Tang. Afin de se procurer les textes
bouddhiques originaux en sanskrit, il quitta la Chine en 629 pour l’Inde,
en passant par l’Asie centrale et l’Afghanistan. En 645, il retourna en
Chine pourvu des manuscrits de six cent cinquante-sept textes en sanskrit,
de nombreuses images du Bouddha et même des reliques de Shakyamuni. Ensuite,
il traduit en Chinois mille trois cent trente volumes d’écritures. Il écrivit
une chronique exhaustive de son voyage en Inde, appelée Notes sur les régions du Ponant qui est le journal le plus
complet et le plus vaste jamais écrit en Orient. Il est également un
incomparable ouvrage de référence sur l’histoire de l’Inde. Xuanzan établit
une nouvelle ère dans l’histoire de la traduction des textes canoniques
bouddhistes. Ses traductions sont qualifiées de “nouvelles traductions”
(par rapport à celles de Kumarajiva appelées “anciennes traductions”).
Il fit lui-même partie de l’école du Rien que conscience et est parfois
considéré comme le fondateur de l’école de la Nature des dharma et même
de l’école du Kosa. Parmi ses nombreux disciples, Cien (j. Jion) (632 –
682) est considéré comme le plus éminent et comme son successeur.
[vi]
Recueil de traductions de termes (j. Hon’yaku
myôgi shû) : recueil en sept (ou vingt) fascicules de termes
bouddhiques traduits du sanskrit en Chinois et commentés, compilé par
Fayun de la dynastie des Sung.
[vii]
Kongfuzi (latinisé en Confucius) : les données
de la vie de Confucius sont largement conjecturales et reposent pour
l’essentiel sur une biographie idéale, véritable vie de saint, rédigée
par des disciples.
Il
serait né vers 551 av. J.-C., dans le royaume de Lu (province du Shandong).
Fils d’une famille pauvre mais d’ascendance illustre (il remonterait à
la dynastie Shang), il fut orphelin de bonne heure. Confucius, dont le nom
latinisé est composé de son nom de famille (Kong) et de deux appellations
honorifiques, qui signifient « maître » (fu
et zi), aurait eu deux enfants et
obtenu un emploi de fonctionnaire avant d’entreprendre un voyage à
Luoyang, capitale de la dynastie Zhou, où il aurait rencontré le
philosophe taoïste Laozi. Cette rencontre hypothétique entre les deux
grands penseurs a suscité bien des commentaires et des œuvres d’art.
Persuadé
qu’il était nécessaire de moraliser la politique, Confucius, nommé
gouverneur de la ville de Zhongdu, chercha à mettre en pratique ses idées
sur le gouvernement idéal. Ses disciples affirmèrent que son exercice du
pouvoir fut si remarquable qu’“au bout d’un an aux quatre points
cardinaux tous le prenaient pour modèle”. La tradition fait encore de lui
un intendant des travaux publics, un ministre de la Justice aux alentours de
500 av. J.-C., puis un conseiller politique de la principauté de Lu. Mais,
écarté de ce poste, il reprit, à partir de 497, sa vie d’errance et
parvint dans la principauté de Wei.
Au
terme de quatorze années d’absence, Confucius serait rentré dans son
pays natal et se serait consacré à l’étude des textes, des chants et
des rituels anciens. Selon l’historien Sima Qian, il compila, remania ou rédigea
plusieurs parties des grands textes canoniques de l’antiquité, notamment
le Livre des documents (Shujing),
le Livre des odes (Shijing)
et le Livre des mutations (Yijing).
Il aurait également composé une chronique de la principauté de Lu, les Annales
des printemps et des automnes (Chunqiu).
Confucius
serait mort en 479 av. J.-C., à l’âge de soixante-douze ans, et aurait
été inhumé non loin de la capitale de Lu. Le site présumé de sa sépulture
devint un lieu de sacrifices dédiés à sa mémoire (source : EHM).
[viii]
Mengzi (lat. Mencius; Mong-tseu ou Mengtzu). Philosophe chinois (Shandong,
v. 372 — ? v. 289 av. J.-C.). Il développa l’éthique confucéenne et
tenta d’adapter à son époque une philosophie fondée sur le ren
(l’humanité), le yi (la justice)
et le xiao (la piété filiale),
dans un ouvrage rédigé vers 320 av. J.-C. et qui devint un manuel scolaire
classique (source : EHM).
[ix]
Laozi (± 6e siècle avant notre ère) : selon
la tradition, Lao-tseu connu sous ce sobriquet qui signifie « le Vieux Maître
» et dont le nom véritable était Li Eul ou Lao Tan, aurait vécu, au VIe siècle
avant J.-C., à la même époque que Confucius. Sa vie, assez recluse,
explique l’existence de nombreuses légendes à son sujet : après une
naissance miraculeuse (il serait resté quatre-vingts ans dans le ventre de
sa mère et aurait eu les cheveux blancs à la naissance, d’où son surnom),
il aurait vécu plus de deux cents ans. Il aurait d’abord exercé les
fonctions d’archiviste et d’astrologue des empereurs Zhou, mais la décadence
de cette dynastie l’aurait incité à s’en aller vers l’ouest, monté
sur un bœuf noir, comme en témoigne une abondante iconographie. Avant de
franchir le passe de Hien Kou, il aurait rédigé, à la demande du
garde-frontière, une sorte de testament philosophique appelé Tao-Tö-King,
le Livre sacré de la Voie et de la Vertu. L’ouvrage ne date
probablement que de l’époque Han (206 avant J.C.-220 apr. J.C.) (d’après
EHM).
[x] Zhuangzi (EFEO : Tchou Hi) : Philosophe chinois (You Xi,
Fujian, v. 1130 — ? 1200). Sa théorie de la division du monde en deux
principes antagonistes et complémentaires, le li,
(principe positif incorporel) et le qi
(principe négatif corporel) structure toute la pensée néo-confucéenne.
Il a laissé une œuvre abondante (source EHM).
[xi]
Cinq agrégats ou éléments (j. Go-un sk. Panca-skandha),
appelés aussi les cinq ombres (j. Go-on)
: 1) Les formes (j. Shiki, sk. Rupa),
2) La perception (j. Ju, sk. Vedana), 3) La conceptualisation (j. Sô, sk. Sañjaña), 4)
L'action (j. Gyô, sk. Samskara),
5) La conscience (j. Shiki, sk. Vijñana) ; ce sont les éléments constitutifs de la personnalité.
(NdT.
sources : Terminologie raisonnée du bouddhisme chinois de Yves Raguin -
Institut Ricci).
[xii]
Toyotomi Hideyoshi (1536 - 1598) : Bien que d'humble origine,
Toyotomi Hideyoshi fut le premier Daïmyo à gouverner le Japon tout entier.
Il servit tout d'abord Oda Nobunaga et fut de toutes ses batailles. Il succéda
à son maître, assassiné en 1582 par Akechi Mitsuhide, qu’Hideyoshi défit
à la bataille de Yamazaki.
Il dut ensuite affronter les anciens
partisans d'Oda Nobunaga, qu'il défit les uns après les autres, jusqu'à
la bataille de Shizugatake en 1583.
Le 25 juillet 1587,
il promulgue un édit bannissant les chrétiens (plus de deux cent mille
personnes).
L’année suivante,
1588, il prend des mesures visant à désarmer les paysans et à les
distinguer des guerriers. Il commence également le recensement de la
population pour fixer le paysan à sa terre.
Tokugawa Ieyasu resta le seul à
s'opposer à lui dans le centre du Japon. Une bataille décisive opposa les
deux seigneurs à Nagakute, à l'issue de laquelle une trêve fut conclue.
Toyotomi pacifia alors Shikoku et Kyushu, et renversa les puissants Hojo à
Odawara en 1590. En cette année, l’unification
du pays fut achevée, bien que Nagasaki resta sous l'autorité portugaise
jusqu'en 1591.
En 1592 Hideyoshi
installe son quartier général à Nagoya pour la campagne de Corée.
Le 25 avril 1592 il
lance l’attaque contre la Corée (200 000 hommes). Hideyoshi tente de
faire passer son armée par la Corée pour aller en Chine. Ses troupes débarquent
à Pusan ; le 12 juin Séoul tombe, mais les troupes chinoises
interviennent.
En 1597, il subit un
nouvel échec en Corée. La même année, a lieu le massacre de chrétiens.
En 1598, achèvement
du recensement de toutes les terres cultivables.
Hideyoshi
meurt le 20 septembre de la même année.
[xiii]
Empereur Shi de la dynastie des Qin : A la
fin du IIIe siècle av. J.-C., le prince Tcheng prête une oreille attentive
aux conseils du philosophe légiste Han Fei Tseu, apôtre du gouvernement
autoritaire, et les applique, avant d'entreprendre, en 230, une série
de campagnes qui le rendent maître de toute la Chine en 221 av. J.-C.
Shi
Huangdi ou Che Houang-ti (EFEO Ts'in Che-houang-ti). Empereur de Chine (mort
en 210 av. J.-C.).
Celui
que l'histoire connaît sous le nom de Shi huangdi («le premier empereur»)
était né Ying Zheng, prince de Qin (d'où viendrait notre mot Chine). Il
parvint au pouvoir en 247 av. J.-C. et, en une dizaine d'années de
campagnes militaires, détruisit les royaumes de Han (230), de Zhao (228),
de Wei (225), de Chu (223), de Yan (222) et de Qi (221). Ayant ainsi conquis
et unifié tout l'espace chinois, il se proclama empereur en 221 av. J.-C.,
date qui marque la véritable fondation de la Chine et prit le titre
d'auguste souverain (huangdi) qui fut, désormais, l'appellation usuelle de
tous les empereurs qui lui succédèrent. Dès le début de son règne, il
s'attacha à instaurer une véritable mystique du pouvoir : il aurait fait bâtir
dans sa capitale la réplique des palais de tous les princes vaincus, répartis
selon la disposition géographique des originaux (qui, eux, furent détruits)
et reliés entre eux par des galeries fermées où l'empereur pouvait se déplacer
à l'insu de tous, s'identifiant ainsi à l'abstraction même du pouvoir.
Aidé de son conseiller légiste Li Si, il étendit à tout l'espace chinois
le système administratif et les lois en vigueur à Qin, imposa une monnaie
unique, unifia les normes d'écriture et les systèmes de mesure, et
entreprit de vastes travaux d'irrigation, de percement de canaux et de
construction de routes impériales; enfin, reprenant les anciennes
fortifications édifiées sur les confins septentrionaux
vers 300 av. J.-C. par les royaumes de Zhao, de Qin et de Yan, il
renforça et compléta la Grande Muraille (220 av. J.-C.) afin de protéger
l'Empire des incursions des Xiongnu.
L'histoire
traditionnelle (marquée, il est vrai, par la haine durable des
confucianistes à l'égard de Shi Huangdi) a également retenu l'aspect plus
sombre de ce tyran en rappelant que, pour réduire l'influence de l'ancienne
noblesse, il fit déporter 120 000 familles «puissantes et riches»
qui furent transférées dans la région de sa nouvelle capitale, Xianyang,
et qu'il s'attira la haine des lettrés, susceptibles de critiquer l'ordre
nouveau, en ordonnant la destruction de tous les livres, jugés inutiles, à
l'exception des traités de médecine, d'agriculture et de divination : en
213, ce gigantesque «incendie des livres» fut accompagné à Xianyang
par l'exécution de plusieurs centaines d'opposants. Orgueil démesuré
ou dévotion à un idéal, toujours est-il que Shi Huangdi (si l'on en croit
toujours les confucianistes) ne put bientôt plus se résoudre à la nature
mortelle du pouvoir qu'il incarnait. Dès lors, il lança expédition sur
expédition à la recherche des îles des immortels, et ordonna aux mages de
chercher pour lui l'élixir d'immortalité (alchimie taoïste). Atteint de démence
mégalomane (c'est du moins ainsi que le peignent les confucianistes), il
faisait fouetter le sommet des montagnes dont les génies ne lui avaient pas
apporté satisfaction, et, se sentant mourir, il alla jusqu'à maudire le
Ciel.
Mais
sa dynastie s'éteignit quelques années après sa mort, du fait d'une
intrigue de palais. La dynastie Han succéda ainsi à celle des Qin quatre
ans seulement après la mort de son fondateur. L'empereur se fit enterrer près
de Lintong, dans le Shaanxi. C'est là qu'en 1974, on mit au jour, dans un
tombeau, une extraordinaire armée de soldats et de chevaux de terre cuite,
grandeur nature, comprenant environ sept mille statues de dignitaires et de
soldats montant une garde éternelle.
[xiv]
Xiàosi (j. Rishi - ? – 210 av. J.-C.) : premier ministre de
l’empereur Shi de la dynastie des Qin. Il fit ses études auprès du
penseur confucéen Xunzi et servit Shi en tant que légiste. Parmi les éminents
services dont il est l’auteur, on peut citer la mise en vigueur du système
des districts et des provinces et l’uniformisation de l’écriture. Par
ailleurs, il imposa en 213 av. J.-C., l’autodafé des livres autres que
traités de médecine, d’agriculture et de divination, ordonné par
l’empereur Shi pour assurer l’unification de la pensée. L’année
suivante, il fit massacrer des centaines de lettrés en les enterrant dans
des fosses. A la mort de Shi, il soutint le jeune prince héritier Huhài.
Mais victime de calomnies, il s’attira le courroux du prince qui le
condamna à mort en 210 av. J.-C.
[xv]
Asvaghosa (j. memyô): auteur des fameux Bouddhacarita
(Eloge des actions du Bouddha), biographie en psaumes versifiés de
Gautama (Shakyamuni), tenus comme une œuvre maîtresse de la littérature
indienne. Il naquit dans une famille brahmaniste de Sravasti en Inde
centrale, entre le 1er et le 2e siècle de notre ère.
Pratiquant du brahmanisme il aimait les polémiques et critiquait sans cesse
le bouddhisme. Défait dans un débat par Punyayasas, le dixième successeur
du vénéré Shakya, il voulut se couper la langue afin de se repentir. Mais
on lui fit entendre raison. Il propagea alors le bouddhisme, convertissant
largement les régions de l’Inde centrale et du nord sous le règne du Roi
Kaniska. Il se distinguait dans tous les domaines, en particulier en littérature
et en musique. Une fois, il composa une mélodie intitulée Rastrapala
qu’il interprétait lui-même. La mélodie était si mélancolique qu’il
convertit cinq cents princes au bouddhisme. Il devint le douzième des
vingt-quatre récipiendaires du Dharma, successeurs de Shakyamuni en Inde.
[xvi]
Après l'assassinat de l'empereur Sushun par les Soga et leur victoire en
687 sur leurs rivaux les Mononobe et les Nakatomi, le bouddhisme fut définitivement
établi, notamment sous l'influence du prince Shôtoku (574-622), neveu de
l'impératrice, qui prit l'initiative de réformes destinées à moderniser
le pays. En 603, il fait promulguer la Constitution en dix-sept articles,
code législatif d'inspiration bouddhique et confucianiste, et crée une
bureaucratie à la chinoise, fixant notamment les échelons de la hiérarchie
des fonctionnaires. Les efforts déployés par le prince Shôtoku pour
stimuler l'établissement du bouddhisme à travers le pays favorisent la
propagation de la culture chinoise et la formation d'une élite sinisée.
Considéré
comme l'acteur principal de l'introduction du bouddhisme au Japon, le prince
Shôtoku fait aujourd'hui encore l'objet d'un culte.
[xvii]
Saichô : fondateur de l’Ecole du Tendai au
Japon ; son nom de famille était Mitsu no Obito et son nom de naissance
Hirono. Il naquit à Ômi en 767. Le clan des Mitsu était réputé
descendre de l’Empereur chinois Xiaoxian de la dynastie des Han postérieurs
et s’être installé au Japon pendant le règne de l’empereur Ojin. Il
entre dans les ordres à l’âge de 12 ans en tant que disciple de Gyôhyô
du temple Daianji, un des temples de provinces dont le système fut instauré
par l’empereur Shômu (les Kokubunji). Une fois devenu officiellement
moine, à l’âge de 15 ans, il adopte le nom de Saichô. En 785, il
construit un ermitage sur le Mont Hiei où il se consacre aux pratiques
religieuses et à l’étude des Ecritures, en particulier les trois
ouvrages majeurs de Zhiyi sur le Sutra du Lotus. En 788, il rebaptise
son ermitage sous le nom de Ichijô
shikan in ou Pavillon de l’arrêt et examen du véhicule unique
(l’actuel konpon chû dô ou
Salle primordiale). En 794, Saichô y dirige un important office en présence
de l’Empereur et des autorités religieuses de Nara. L’Empereur devint
alors un partisan enthousiaste de Saichô et le nomma prêtre de la Cour. En
804 Saichô est envoyé en Chine par décret impérial. Là, il étudie les
doctrines du Tendai auprès de Tao Sui et de Hsing Man, le Zen auprès de
Hsiao Jan et le bouddhisme ésotérique avec Hsün hsian à Yüeh. Il
retourna au Japon l’année suivante et présenta à la Cour les différents
objets religieux et Ecrits qu’il s’était procuré en Chine. Il dirigea
également la première cérémonie de kanjô
au Japon. Cette cérémonie consiste à asperger d’eau un dévot, lui
conférant ainsi un certain type de statut. En 806, il fit une demande de
reconnaissance officielle de l’Ecole du Tendai et de bénéficier de deux
contingents d’ordination par an. En 822, il demanda l’autorisation d’ériger
sa propre Estrade d’ordination, de manière à ce que ses disciples
n’aient pas à être ordonnés à Nara.
L’autorisation fut accordée la même année, sept jours après la
mort de Saichô. En 866, l’Empereur lui conféra le titre posthume de
Dengyô Daishi. C’était la première fois au Japon que le titre de Daishi
- grand Maître était octroyé.
Saichô
était un auteur prolifique; plus de cent soixante ouvrages encore existants
lui sont attribués.
[xviii]
Xiongnu (EFEO Hiong-nou) : Groupe de tribus, peut-être apparentées
aux Huns, qui formèrent en haute Asie, au IIIe siècle av. J.-C., une confédération
dont la puissance constitua une menace pour l'Empire chinois sous la
dynastie des Han. Cependant, les Xiongnu commencèrent
à s'affaiblir au Ier siècle avant notre ère et ils se divisèrent :
ceux du Nord furent progressivement refoulés vers l'ouest; ceux du Sud se
soumirent à la Chine.
[xix]
Bodhisattva Sans-mépris (s. sadapaributha, j.
fukyô bosatsu ) : contraction du nom “Toujours-sans-mépris” (j. jô
fukyô) : son histoire est évoquée au vingtième chapitre du Sutra du
Lotus. Dans un passé extrêmement lointain, à la fin de
la période de la Semblance du Dharma du Bouddha Roi-son-majestueux,
ce bodhisattva reconnaissant en tout être la nature de Bouddha, propageait
le Sutra du Lotus en vingt-quatre caractères
(Je vous respecte profondément, je n’ai garde de vous mépriser. Pourquoi
cela ? C’est que vous pratiquez tous la voie de bodhisattva et obtiendrez
de devenir Bouddha). Il se prosternait avec respect devant toute
personne, moine ou laïc, qu'il rencontrait, sans jamais les mépriser. En
retour, il fut persécuté, frappé par le bâton et les pierres, sans
jamais cesser de se prosterner. Tous ceux qui méprisèrent ce bodhisattva
tombèrent dans un premier temps en enfer mais, grâce au lien créé lors
de l’écoute du Sutra du Lotus , tous furent sauvés. A travers
cette histoire du bodhisattva Toujours-sans-mépris, Shakyamuni enseigne la
méthode de pratique à prôner après son extinction, shakubuku,
et les œuvres et vertus du lien contraire.
[xx]
Pourtant je m’obstine à les empoisonner (j. ni
gô doku shi) : synonyme de shakubuku,
cette pratique consiste à s’obstiner à nouer le lien du Bouddha avec les
êtres qui n’ont pas la foi dans le bon Dharma. Dans le dixième fascicule
des Mots et phrases, il est écrit : “Comme
ils ne possédaient pas le bien à l’origine, sans mépris s’obstinait
de les empoisonner avec le grand (véhicule = le Sutra du Lotus).
Les êtres emplis de mauvaises passions et aux vertus ténues, ne
recherchent pas le Dharma merveilleux. Il convient alors de faire éveiller
en eux le cœur des trois poisons de manière à leur faire nouer le “lien
du tambour empoisonné”, pour leur faire recevoir et garder le Dharma
merveilleux et réaliser la voie du Bouddha.
[xxi]
Pratiques aisées (j. anrakugyô) :
le quatrième chapitre du Sutra du Lotus les « Pratiques aisées »
définit quatre sortes de pratiques faciles passant par le corps, la voix,
l’esprit et la résolution et devant être réalisées par le pratiquant débutant
du Sutra du Lotus dans la mauvaise ère, pratiques consistant à
“embrasser et recevoir” (j. shôju),
dans le but d’obtenir l’effet de boddhéité. 1) Pratique aisée par
le corps : c’est équilibrer son corps, éviter les tentations et
pratiquer dans un endroit calme. 2) Pratique aisée par la voix :après
l’extinction du Bouddha, lorsqu’on prêche le Sutra du Lotus,
c’est ne pas mépriser les autres, ne pas dévoiler leurs erreurs et
parler avec un cœur serein. 3) Pratique aisée par l’esprit : dans
la mauvaise ère, alors que le Dharma est sur le point de disparaître,
celui qui reçoit et garde, lit et récite le Sutra du Lotus ne doit
pas jalouser, médire, ne pas se disputer avec ceux qui étudient d’autres
enseignements du Bouddha. 4) Pratique aisée par la résolution, c’est éveiller
un grand esprit de rigueur et de compassion pour sauver tous les êtres.
[xxii]
Froideur du miroir intérieur (j. naigan
reinen) : l’éveil intérieur des Bouddha et bodhisattva est
froid et limpide comme un miroir, dans lequel plus aucun antagonisme
n’existe. De plus, si l’on transpose ce principe à la substance ultime
du Dharma, il s’agit de Nam Myôhôrengekyô. Tous les phénomènes étant
englobés dans ce seul Dharma merveilleux, ils ne présentent plus
d’antagonisme. L’expression “naigan
reinen” apparaît dans le cinquième fascicule du Grand arrêt et
examen de Zhiyi. “Naigan”,
le miroir intérieur, symbolise l’attestation, la vérité intérieure,
autrement dit l’éveil. Finalement, les Dharma auxquels se sont éveillés
tous les sages et saints du passé se retrouvent dans le Dharma merveilleux.
[xxiii]
Trois pays (j. sangoku)) :
l’Inde, la Chine et le Japon.
[xxiv]
Triple corps en sa substance (j. tai
no sanjin) : dans le Traité sur le Véritable aspect des dharma
(j. shohô jissô shô), il est écrit :
“L’homme ordinaire est le triple
corps en sa substance ; c’est pourquoi il est le Bouddha originel.
L’Eveillé est le triple corps en son application, c’est pourquoi il est
le Bouddha éphémère”. Cette phrase signifie que la substance
fonfamentale de l’homme ordinaire est le triple corps, mais que, n’étant
pas doté de l’application du triple corps, les fonctions du Bouddha
n’apparaissent pas encore. C’est pourquoi, c’est le triple corps doté
à la fois de la substance et de l’application (j. kutai
kuyû no sanjin), qui constitue l’effet ultime.
[xxv]Triple
corps en son application (j. yû no
sanjin) : il s’agit de l’aspect éphémère du Bouddha. C’est
le triple corps provenant de la substance originelle et se manifestant sous
divers aspects pour apporter des bienfaits aux êtres et les sauver.
[xxvi]
Etre doté à la fois de la substance et de
l'application (j. Kutai kuyû) : antonyme de "seulement la substance sans
l'application” (j. Tantai muyû)
; situation dans laquelle la substance originelle et son application ne sont
ni identiques ni différentes, ni intégrées ni distantes, ni semblables ni
dissemblables. Elles sont présentes dans une relation inconcevable. Saichô
(Dengyô) précise : "Les trois vérités
en une ne sont ni trois ni une. Et pourtant, ce qui est inconcevable, elles
sont trois et une. Les trois sont dotées des trois ; elles sont dotées à
la fois de la substance et de l'application." La substance et
l'application ultimes et inconcevables sont dotées à la fois de la
substance et de l'application.
[xxvii]
Guanding (j. Kanjô) : 561 - 632 ; disciple et
successeur de Zhiyi. Natif du village de Zhangan, on l'appelait également
le grand maître de Zhangan (j. Shôan daishi). Il devint disciple de Zhiyi
à l'âge de 25 ans. Pendant 13 ans, il reçut son enseignement. Il parvint
à une compréhension parfaite des profonds enseignements du maître qu'il
compila en plus de cent ouvrages, parmi lesquels on trouve les trois traités
majeurs sur le Sutra du Lotus. Parmi ses propres écrits, on peut citer le Sens
mystérieux du Nirvana et les Commentaires sur le Sutra du Nirvana.
[xxviii]
Six métaphores de la doctrine originelle et de la doctrine éphémère (j. honjaku no roppi) : dans l’introduction du Sens mystérieux,
Zhiyi utilise trois métaphores de la doctrine éphémère et trois métaphores
de la doctrine originelle pour expliquer les deux idéogrammes “Renge” (fleur du lotus). Les trois métaphores de la doctrine
éphémère définissent la relation entre le Sutra du Lotus
(enseignement véritable) et les enseignements provisoires. Les trois métaphores
de la doctrine originelle définissent la relation entre la doctrine
originelle et la doctrine éphémère. Ces métaphores utilisent l’aspect
du lotus : présentation, ouverture et abandon. Les trois métaphores
de la doctrine éphémère dans lesquelles le lotus symbolise le véritable
et la fleur le provisoire sont : 1) Présenter le provisoire pour
(introduire) le véritable : comme le fruit (la vérité) du Lotus est
invisible lorsque la fleur est fermée et le recouvre, c’est d’abord
offrir les enseignements provisoires pour expliquer l’enseignement véritable.
2) Le provisoire s’ouvre et le véritable apparaît : comme la fleur
qui s’ouvre et révèle le fruit du lotus, les moyens s’ouvrent et le véritable
apparaît. 3) Abandonner le provisoire et établir le véritable : comme le
lotus qui s’épanouit une fois que sa fleur est tombée, une fois que les
trois véhicules sont abandonnés, il ne reste plus que le véhicule unique
menant à la boddhéité. Les trois métaphores de la doctrine originelle
dans lesquelles le lotus symbolise la doctrine originelle et la fleur la
doctrine éphémère sont : 1) L’éphémère s’écoule de
l’originel : comme la fleur qui fleurit immanquablement pour le
fruit, l’éphémère est prêché de manière provisoire à partir de
l’originel. 2) L’éphémère s’ouvre et l’originel apparaît :
comme le lotus apparu une fois la fleur ouverte, le Bouddha ouvre la
doctrine éphémère pour révéler la doctrine originelle. 3) Abandonner
l’éphémère et établir l’originel : comme le lotus qui s’épanouit
une fois que la fleur est tombée, le Bouddha établit la doctrine
originelle une fois qu’il a ouvert la doctrine éphémère.
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Traduit
du Japonais par Gérard Purec
et
Publié dans la revue Le Bouddhisme de l'Ecole Fuji
ecole-fuji@wanadoo.fr