Ecrits

 

Renjô shô

(Appelé également « Zenshû mondô sho » – Dialogue avec les écoles du Zen)

  Ecrit par Nichiren Daishônin
en la septième année de Kenchô (1255)
à l’âge de 34 ans

Les écoles du Zen disent : “Au moment de l’Extinction, le vénéré du monde montant en chaire prit une fleur qu’il montra à la multitude. Un sourire apparut sur le visage de Kasyapa. L’Eveillé dit alors : je possède le trésor de la vision du bon Dharma. L’extinction est un cœur merveilleux. L’aspect réel est dépourvu de caractère particularisant. C’est une doctrine subtile et merveilleuse. Elle se situe au-delà des mots, elle fait l’objet d’une transmission particulière en dehors des enseignements. Je la transmets uniquement au grand Kasyapa”.

Je demande : Ces phrases, de quel sutra s’agit-il ?

Les écoles du Zen répondent : “Ce sont les phrases du “ Sutra des Questions du Roi Mahabrahman au Bouddha et l’éclaircissement de ses doutes ”.

Je demande : Quel tripitaka a réalisé la traduction dudit sutra ? On n’en trouve nulle trace ni dans l’inventaire de Zhenyuan[i], ni dans celui de Kaiyuan[ii]. Qu’en est-il ?

Les écoles du Zen répondent : Ce sutra est un livre secret. Pour cette raison, seules les phrases furent transmises de l’Inde.

Je demande : Par quel saint, quel maître homme ce sutra a-t-il été introduit en Chine ? Aucune trace ne subsiste. Ce sutra n’a jamais été mentionné dans aucun des inventaires anciens. Ce sont des inventaires récents qui le mentionnent. Ce sutra représente les fondements des écoles du Zen. Il aurait dû figurer dans les plus anciens inventaires. Sachez-le, il s’agit d’un livre apocryphe.

Les écoles du Zen disent : Le “ Sutra de l’Extinction ” indique : “A présent je transmets l’intégralité du bon Dharma sans supérieur que je détiens au grand Kasyapa”. Que dites-vous de cette phrase ?

Je réponds : Bien que l’expression sans supérieur ressemble au (vocabulaire du) Grand véhicule, elle indique le Petit véhicule. Comparé aux enseignements hérétiques des voies extérieures, même le Petit véhicule est dit être le bon Dharma. Par exemple, lorsqu’on dit que le grand Dharma a été transmis progressivement à l’Est, Miaolo en parle dans ses commentaires comme d’une “désignation commune de l’enseignement du Bouddha”. Il désigne ainsi l’ensemble du Grand et du Petit véhicule, du véritable et du provisoire en les nommant le grand Dharma. Vis-à-vis des voies extérieures, même le Petit véhicule est qualifié de Grand véhicule, comme il peut arriver qu’un roturier soit appelé Messire, comme si l’on s’adressait à un noble. Dans le troisième rouleau du “ Sutra de l’Extinction”, il est écrit : “Si je transmettais le trésor du Dharma à Ananda et aux nombreux moines, il ne persisterait pas longtemps. Pour quelle raison ? Parce que tous les auditeurs et le grand Kasyapa sont impermanents. C’est comme un vieillard qui recevrait des dons. Pour cette raison, il faut véritablement effectuer la transmission du Dharma sans supérieur du Bouddha, aux bodhisattva. Fertile en débats des bodhisattva, le trésor du Dharma pourrait demeurer éternellement et faire ainsi recevoir des bienfaits et la quiétude aux êtres au cours de milliers de vies innombrables, ces bienfaits augmentant de manière intense. C’est comme un adulte dans la force de l’âge qui recevrait des dons. C’est en ce sens que les bodhisattva posent des questions”. Il apparaît clairement que le Grand et le Petit Véhicule font l’objet d’une transmission différente.

Dans le dixième rouleau du même sutra, il est dit : “Sachez-le, Manjusri doit véritablement prêcher largement le grand Dharma aux quatre catégories d’êtres[iii]. Je vais à présent effectuer la transmission de ce sutra. (…) Si Kasyapa et Ananda viennent, je leur ferai encore la transmission de ce bon Dharma de la même manière”. On peut donc le savoir : la transmission du grand Dharma fut faite à Manjusri et Kasyapa. Ce Dharma, objet de la transmission par l’Eveillé est le Petit véhicule.

Le “ Discours sur la nature de l’éveil[iv] ” dit : “Si un homme s’éveille en son cœur, il obtiendra la voie de la boddhéité. C’est pourquoi, on l’appelle l’Eveillé”.

Il y a cinq niveaux de boddhéité[v]. Duquel s’agit-il donc ? Il y a par ailleurs diverses formes d’obtention de la voie. De quelle voie s’agit-il donc ? Ce que les autres sutra prêchent n’est pas la grande boddhéité. Ce n’est pas non plus la voie sans supérieure. Le sutra dit : “Pendant plus de quarante ans je n’ai pas encore révélé la vérité[vi]”.

Question : Noble ou vulgaire, homme ou femme, quelle voie peut-on obtenir par le Lotus ?

Je réponds : “Que tous deviennent Bouddha même à l’aide d’une seule stance est indubitable[vii]”. Il est dit encore : “Rejetez honnêtement les moyens ! Je vais à présent prêcher la voie sans supérieure[viii]”. Ici, on peut le savoir, il s’agit de la boddhéité sans supérieure. C’est, “pendant un bref instant l’écouter, alors on obtient la boddhéité ultime, parfaite et infinie[ix]”. Obtenir cette boddhéité est l’œuvre et vertu d’entendre cette doctrine même un bref instant.

Question : Pour ce qui est d’un bref instant, trente brefs instants couvrent un jour et une nuit. L’instant dont il est question dans “pendant un bref instant l’écouter” désigne-t-il cette durée ?

Je réponds : C’est comme il l’a été dit auparavant. Dans le deuxième fascicule de “ l’Arrêt et examen ” de Zhiyi il est écrit : “Ne rejetez pas même pendant un bref instant”. Dans la “ Décision de propager ”, il est précisé : “Il n’est pas permis de rejeter ne serait-ce qu’un instant. C’est pourquoi il est dit un bref instant. C’est pourquoi un instant représente un moment immédiat”.

Question : Etre fondé sur le champ originel de sérénité représente l’envergure du Zen.

Je réponds : Qu’est ce que le champ originel de sérénité ? Et dans quel sutra est-ce donc mentionné ? Seul le “ Sutra du Lotus ” qui est le champ de félicité des hommes et des cieux peut l’enseigner aux hommes et aux êtres célestes. C’est pour cette raison que l’Eveillé est appelé le maître des hommes et des dieux. Celui qui a foi en ce sutra voit non seulement le Bouddha dans son propre cœur, mais également les Bouddha des trois phases (passé, présent et futur) ; c’est comme regarder le pur cristal et y voir des images colorées. Dans le sutra, il est dit : “c’est comme voir toutes les images colorées dans un clair et pur miroir”.

Les écoles du Zen rétorquent : “Ce cœur est le Bouddha ; le corps est le Bouddha”.

Je réponds : “Dans le sutra, il est dit : “Le cœur est notre plus grand ennemi. Cet ennemi est le plus mauvais. Cet ennemi peut parfaitement attacher les hommes et les envoyer jusque chez le roi Yama. Tu seras seul à tomber en enfer et en raison de ton mauvais karma, ta femme et tes enfants que tu nourris, tes frères et même tes parents ne pourront te sauver”. Le “ Sutra de l’Extinction ” exhorte : “même si par vœu vous devenez le maître de votre cœur, ne faites pas de votre cœur votre maître”. Prétendre à l’identité du cœur et du Bouddha avec notre cœur stupide et éhonté n’est-ce pas là prétendre avoir obtenu ce que l’on n'a pas encore obtenu, penser attester de ce que l’on n'a pas encore prouvé ?

Question : Quelle est la pensée de l’école du Lotus ?

Je réponds : Le sutra établit : “Dotés des trente-deux signes distinctifs, ce sera alors l’extinction authentique[x]”. Il dit encore : “réaliser rapidement le corps du Bouddha[xi]”. Les écoles du Zen respectant le Bouddha en sa nature principielle, pensent être l’égal du Bouddha et tombent dans l’outrecuidance, en faisant des criminels voués à l’enfer sans intermittence. Pour cette raison, le Sutra du Lotus stipule : “Les moines outrecuidants tomberaient dans le grand puits[xii]”.

Les écoles du Zen disent : Il est dit qu’il faut fouler le sommet du crâne de Vairocana[xiii].

Je dis : Mais qui est donc Vairocana ? S’il s’agit du corps de Dharma du monde des dharma environnants, les montagnes, les rivières et la terre sont aussi le corps et la terre de Vairocana. Il s’agit alors de la nature principielle de Vairocana. Les chiens et les renards foulent aussi ce corps et cette terre. Cela ne rentre pas dans le cadre des écoles du Zen. Si en vérité, il faut fouler le sommet du crâne du Bouddha, on peut dire que même Brahma n’en voit pas le sommet. Comment, dès lors, la terre de la minceur[xiv] pourrait-elle bien le fouler. L’Eveillé est doté des trois vertus de souverain, de maître et de parents pour tous les êtres. Celui qui piétinerait son père compatissant aux grandes vertus bienfaisantes serait un grand sot commettant la faute cardinale d’impiété filiale, un mauvais homme. Ce genre d’homme est rejeté par les livres de Kongzi[xv], à plus forte raison le sont-ils par le bon Dharma de l’Ainsi-venant. Comment le fait de louer de tels hérétiques et leurs enseignements hétérodoxes pourrait-il ne pas constituer un lourd crime. Alors que du vivant de l’Eveillé, Kasyapa le saluait de la tête pour lui rendre hommage[xvi], l’obscur Zen[xvii] lui marche sur le crâne ; quelle horreur !

Les écoles du Zen disent qu’il existe une transmission particulière en dehors des enseignements et qui se situe au-delà des mots[xviii].

Je dis en réponse : En général, on peut considérer qu’il existe trois formes d’enseignements répandus en ce monde. La première est le confucianisme. Il en existe ici vingt-sept sortes. La deuxième est le taoïsme. Ici, il y a vingt-cinq courants. La troisième est les douze formes d’écritures[xix] bouddhiques. L’école du Tendai, elle, énonce quatre enseignements et huit enseignements. Est-ce que vous les classez en dehors des enseignements ? Dans la loi des médecins, ceux qui sont extérieurs à la voie fondamentale sont appelés “médecins des livres extérieurs”. Dans le langage humain, celui qui ne succède pas à son nom est appelé “famille extérieure”. Dans l’enseignement du Bouddha, ce qui s’éloigne des sutra et des discours est appelé “voie extérieure”. Le “ Sutra de l’Extinction ” précise : “S’il y a des hommes qui ne suivent pas ce que prêche l’Eveillé, il faut le savoir, ces hommes sont des féaux du démon”. Dans le neuvième rouleau de la “ Détermination à propager ”, il est écrit : “(ceux qui s’attachent encore aux) sutra antérieurs au Lotus sont des disciples des voies extérieures”.

Les écoles du Zen rétorquent : “Pas de transmission de l’Eveillé et des patriarches[xx]”.

Je réponds en disant : S’il en est ainsi, pourquoi déterminez vous vingt-huit patriarches sous le ciel de l’ouest[xxi] et six patriarches sur la terre de l’est[xxii] ? Niez-vous le principe de la transmission au Grand Kasyapa ? Que dites-vous sur cette contradiction ?

Les écoles du Zen disent : Les saints n’ont pas transmis la voie unique vers l’élévation.

Je réponds : S’il en est ainsi, même les écoles du Zen ne peuvent la comprendre et la réaliser. Si elles ne la comprennent pas, est-ce parce qu’elle ne fait pas partie du Zen ? En général, on chante l’élévation parce que l’on demeure dans l’orgueil. On est fier de sa vision de la nature alors qu’on n’a pas encore soigné son cœur troublé. Le fait que la prédisposition et l’enseignement sont opposés justifie le plus mon reproche. Quoi qu’il en soit, vous entravez le rite. Vos erreurs sont très nombreuses. En effet, tout en soutenant (que la transmission se déroule) en dehors des enseignements, vous étudiez ce qui est en dehors des enseignements. Tout en prenant plaisir à l’écriture, vous prônez la vanité des écrits. Vos paroles et votre cœur son en discordance. N’est-ce pas là le signe de votre appartenance au démon du ciel ? N’êtes-vous pas disciples des voies extérieures ? Le Bouddha sauve les êtres par les mots.

Question : Quelle en est la preuve ?

Je réponds : Dans le quinzième fascicule du “ Sutra de l’Extinction ” il est écrit : “Ce que je souhaite est que vous, les êtres, receviez et gardiez les mots extra mondains”. Dans le “ Sutra résolvant les doutes concernant la période de la Semblance du Dharma[xxiii] ”, il est dit : “C’est parce que j’ai recours aux mots que je peux sauver les êtres et qu’ils obtiennent l’éveil”. Sans les mots, comment l’Eveillé pourrait-il accomplir son œuvre ? N’est-ce pas par des paroles que les écoles du Zen se font connaître aux gens ? Bodhidharma[xxiv], venu du sud de l’Inde, écrivit un commentaire en cinq fascicules sur les quatre rouleaux du “ Sutra de l’Entrée (du Bouddha dans le pays) de Lanka[xxv] ”. Lorsqu’il fit la transmission à Huike, il lui dit : “Quand je vois la terre de Chine, il n’y a que ce sutra qui puisse sauver les gens. C’est par lui que tu sauveras le monde”. Dès lors, pourquoi donc parlez-vous à la légère de transmission en dehors des enseignements ?

Ensuite, parvenant aux paroles concernant la non transmission, il dit : “Nous sommes les seuls à pouvoir connaître et distinguer les deux alternatives du chaud et du froid[xxvi]”. Est-ce que là, il se réfère aux mots ? Il applique la compréhension du chaud et du froid après avoir fait la transmission. De cela, le “ Sutra du Lotus ” préconise : “Rejetez vos mauvaises connaissances et rapprochez-vous des amis de bien[xxvii]”. L’“ Arrêt et examen ” indique : “Si l’on ne rencontre pas le maître, la sagesse pervertie, de jour en jour augmentera et la vie et la mort, de mois en mois, s’aggravera. Comme tirer un arbre tordu d’une forêt dense, jamais on ne pourra en sortir”. En général, les décisions de ce monde sont prises en concertation avec d’autres personnes. A plus forte raison, comment peut-on éviter de se fonder sur soi-même en ce qui concerne les profonds principes extra mondains ? Pour cette raison, le sutra indique : “Ne pas pouvoir voir ce qui est proche, comme les cils des hommes, ne pas pouvoir voir ce qui est éloigné, comme les traces que laissent les oiseaux dans le ciel”. Je laisserai pour l’instant de côté les racines supérieures et la prédisposition supérieure de la méditation assise[xxviii]. Les écoles du Zen actuelles sont comme celui qui reçoit une jarre et (ne la voit pas parce qu’il) est tourné face à un mur. Le sutra dit : “Aveugles, ils ne voient rien. Ils ne recherchent pas les nombreux Bouddha ni le Dharma qu’ils proposent pour interrompre la souffrance. Profondément pénétrés de vues erronées, ils tentent de se débarrasser de la souffrance par la souffrance”. Dans la “ Détermination à propager ” il est dit : “Sans même connaître les mots de ce monde, comment pourraient-ils connaître le principe lointain de la voie du milieu ? Comment, d’autant plus, pourraient-ils connaître les enseignements secrets habituels ?” Les écoles actuelles du Zen sont toutes un ramassis de grands hérétiques. En particulier parce qu’elles utilisent les recueils de paroles d’hommes ordinaires n’ayant pas interrompu les trois égarements[xxix] et négligent les paroles de l’Ainsi-venant doté des quatre sagesses[xxx] claires et parfaites. Je le répète, véritablement, ils sont dans l’erreur. Il n’y a pas de remède avant la maladie. Il n’y a pas d’enseignement avant la prédisposition. Même les bodhisattva parvenus à l’éveil égal utilisent le sutra. Pourquoi alors, de vils stupides n’y croient-ils pas ? De fait, lorsque l’école du Zen se développa en Chine, le pays fut immédiatement détruit. Il y a suffisamment de maîtres zen ignorants (du bouddhisme) en ce pays pour présager de sa destruction. L’“ Arrêt et examen ” indique : “C’est le funeste présage de la destruction du Dharma ; c’est le funeste présage de la fin d’une époque”.

Les écoles du Zen disent : L’école du Lotus réfute le principe de l’inutilité des mots. Pour quelle raison alors, l’Eveillé a-t-il enseigné sans un seul mot[xxxi] ?

Je réponds : vous citez le “ Sutra de l’entrée dans le pays de Lanka ” ? Ne connaissez-vous donc pas les deux doctrines du Dharma présent à l’origine et du Dharma attesté[xxxii] ? Si vous ne les connaissez pas il faut les étudier. De plus, l’autre sutra[xxxiii] réfute en disant “je n’ai pas encore révélé la vérité”. Pourquoi, dans ce cas me donner ces indications ?

Question : Dans le “ Sutra résolvant les doutes concernant la période de la Semblance du Dharma ” il est dit : “Je n’ai jamais vu l’Eveillé prêcher une seule stance du Dharma”. Qu’en dites-vous ?

Je réponds : Cette parole est celle du bodhisattva Don permanent[xxxiv]. Dans le “ Sutra du Lotus ”, il est dit : “Les bodhisattva, entendant ce Dharma seront tous débarrassés des rets du doute. Les mille deux cents arhats aussi, pourront véritablement devenir Bouddha[xxxv]”. Quatre vingt mille bodhisattva et mille deux cents arhats, tous assis alignés, écoutèrent, entendirent et se réjouirent. Seul Offrande permanente n’a rien vu. Sur quel postulat faut-il se fonder ? Le nom d’Offrande permanente n’apparaît pas parmi les bodhisattva cités comme étant présents dans le Lotus. Qu’il n’ait pas vu est logique. A plus forte raison, de ce qui suit : “Les êtres voyant que je nais et meurs, je leur prêche le Dharma afin de les sauver”. Pourquoi s’arrêter à la seule stance du non enseignement et perdre ainsi le principe merveilleux enseigné. Les doctrines que vous prônez sont toutes de grandes vues erronées. Corrigez votre attachement et prenez refuge et consacrez-vous au Lotus. Si vous ne le faites pas ne sera-ce pas là un manque d’esprit de recherche ?

Arrière plan et annotations

Ce Gosho, appelé également “ Zenshû mondô shô ” fut écrit par Nichiren Daishônin en la septième année de Kenchô (1255), soit juste deux ans après la fondation de l’école. Il avait alors trente quatre ans. Il y réfute les théories des écoles du Zen.


[i] L’inventaire de Zhenyuan (j. jôgen no roku) : Recueil en trente volumes des titres des sutra et des traités, précisant le nombre de fascicules, s’ils subsistent ou non, le nom et une courte biographie des traducteurs et des écrivains, l’existence ou non d’autres traductions, sur une période de huit cents ans allant de la 67e année de l’ère Hyôping (67) à la 16e année de l’ère Zhenyuan (800). 2417 ouvrages en 7388 volumes sont ainsi présentés. Cet inventaire, qui prit modèle sur l’Inventaire de Kaiyuan (voir infra) cite 269 ouvrages de plus que son modèle.

[ii] L’inventaire de Kaiyuan (j. Kaigen no roku) : Recueil en vingt volumes des titres des textes traduits par 176 traducteurs entre la 10e année de Hyôping (67) et la 18e année de Kaiyuan (730). Cet ouvrage couvrant le règne de dix-neuf empereurs classe les textes dans l’ordre chronologique en commençant chaque époque par une explication historique du moment, du nombre de traducteurs et du nombre d’ouvrages traduits.

[iii] Quatre catégories d’êtres (j. shi shu) : les moines, les nonnes, les pratiquants laïques et les pratiquantes laïques.

[iv] Discours sur la nature de l’éveil (j. go shô ron) : cinquième des six doctrines compilées sous le titre de Recueil des six doctrines, un volume attribué dans un premier temps à Bodhidharma, mais qui s’est avéré par la suite être l’œuvre d’auteurs ayant emprunté le nom de Bodhidharma.

[v] Cinq niveaux de boddhéité : le cinquante troisième volume du Traité de grande sagesse établit cinq degrés d’éveil : 1) Ouverture du cœur à la boddhéité (j. hosshin bodai) : c’est l’apparition en son cœur du grand désir de devenir Bouddha, 2) La boddhéité en réprimant le cœur (j. fukushin bodai) : c’est la pratique des paramita en contrôlant les diverses mauvaises passions, 3) La boddhéité au cœur clair (j. myôshin bodai) : contemplant le véritable aspect des dharma, le cœur devient clair, 4) Sortir et atteindre la boddhéité (j. shusshi bodai) : c’est être dans la paramita de la sagesse et, sans s’y attacher, détruire toutes les mauvaises passions et parvenir à l’omniscience (j. issai chi) et 5) L’éveil sans supérieur (j. mujô bodai) : c’est l’éveil des bodhisattva qui, étant parvenu au degré d’éveil égal ont interrompu toutes les égarements et s’éveillent au monde du Bouddha.

[vi] Phrase du deuxième chapitre du Sutra des Sens infinis “ le Prêche du Dharma ”.

[vii] Extrait du deuxième chapitre du Sutra du Lotus “ les Moyens ”.

[viii] Idem supra.

[ix] Passage du dixième chapitre du Sutra du Lotus “ les Maîtres du Dharma ”.

[x] Phrase du chapitre “ Château transitoire ” (septième) du Sutra du Lotus.

[xi] Phrase du chapitre “ Durée de la vie de l’Ainsi-venant” (seizième) du Sutra du Lotus.

[xii] Phrase du chapitre “ Moyens ” (deuxième) du Sutra du Lotus.

[xiii] Phrase du Recueil des rochers bleus (c. biyen lu, j. hekigan roku), ouvrage en dix volumes consistant en une compilation annotée de cent kôan (récits allégoriques caractéristiques du Zen, sur lesquels le pratiquant médite et tente de dévoiler sa sagesse intérieure) sélectionnés par Xuedu, prêtre de la dynastie des Sung, parmi mille sept cents kôan. Le Recueil des rochers bleus commença à devenir populaire après la dynastie des Yüan et est toujours très utilisé dans l’école Zen Rinzai. La phrase citée ici par Nichiren Daishônin est extraite du dixième fascicule : “L’empereur Sùzong (…) demande au maître national : Que faire pour harmoniser les dix corps ? Le maître répond : Que les bienfaiteurs foulent le sommet du crâne de Vairocana”. Autrement dit, pour obtenir les dix corps, il ne faut même pas s’attacher à l’aspect du Bouddha, ce qui implique que nous sommes nous-mêmes Bouddha.

[xiv] Terre de la minceur (j. hakuji) : niveau inférieur des trois degrés des êtres ordinaires. Les deux autres niveaux sont le degré “ordinaire intérieur” (j. naibon) et le degré “ordinaire extérieur” (j. gebon).

[xv] Les livres de Kongzi (Confucius) : Selon l'historien Sima Qian, Kongzi compila, remania ou rédigea plusieurs parties des grands textes canoniques de l'antiquité, notamment le Livre des documents (c. Shujing), le Livre des odes (c. Shijing) et le Livre des mutations (c. Yijing). Il aurait également composé une chronique de la principauté de Lu, les Annales des printemps et des automnes (c. Chunqiu).

[xvi] Saluer de la tête pour rendre hommage (j. zuchô raikyô) : expression extraite du quatrième chapitre du Sutra du Lotus “ Foi et compréhension ”. Le salut de la tête consiste à poser le sommet du crâne sur les pieds de la personne saluée. Il s’agit là de la plus grande marque de respect vis à vis de la grande bienfaisance du Bouddha.

[xvii] L’obscur Zen (j. anzen) : cette expression qualifie les pratiquants du Zen à qui la profondeur ou l’aspect superficiel des enseignements du Bouddha échappe complètement et qui de plus, sont frappés d’outrecuidance.

[xviii] Transmission particulière en dehors des enseignements et qui se situe au-delà des mots (j. kyôge betsuden furyû monji) : phrase extraite du Sutra des Questions du Roi Mahabrahman au Bouddha et l’éclaircissement de ses doutes (j. daibonten’nô monbutsu ketsugi kyô) : “transmission particulière en dehors des enseignements” signifie que la transmission de la voie du Bouddha s’effectue de cœur à cœur, en dehors de toute explication écrite ou verbale. “Se situe au-delà des mots” signifie que la voie de l’éveil se situe hors des mots et, là encore, la transmission se fait de cœur à cœur. Pour les écoles du Zen, l’essence du bouddhisme se situe en dehors de tous les sutra et fit l’objet d’une transmission secrète, sans parole, de Shakyamuni à Kasyapa. Dès lors, pour elles, l’éveil s’obtient sans avoir recours aux sutra, uniquement par la méditation assise (j. zazen). Or, chose contradictoire, les pratiquants du Zen étudient des écrits non bouddhiques et s’adonnent à la calligraphie. De plus, leur sutra de référence n’est cité dans aucun inventaire des textes bouddhiques et a toujours fait l’objet de doutes quant à son authenticité en tant que sutra.

[xix] Douze sortes d’Ecritures (j. jûni bu kyô) : distinction au sein des Ecritures selon le style d’exposition. 1) Sutra (j. shutara ou kaikyô) : le Bouddha expose le Dharma en prose. 2) Geya (j. giya ou jûju) : versets qui réitèrent les idées déjà exposées dans la prose. 3) Vyakarana (j. wagara ou juki) : prophéties du Bouddha sur l’obtention de la bodhéité par ses disciples. 4) Gatha (j. kada ou kokiju) : versets contenant des idées qui ne sont pas contenues dans la prose d’un sutra. 5) Udana (j. udana ou jisetsu) : exposition du Dharma par le Bouddha sans qu’il y ait eu de question de la part de ses disciples). 6) Nidana (j. nidana ou innen) : récit d’évènements du passé expliquant l’état présent d’une personne. 7) Avadana (j. ahadana ou hiyu) : exposition du Dharma au travers de paraboles. 8) Itivrttaka (j. iteimokuta ou honji)  récits des vies passées des disciples du Bouddha. 9) Jataka (j. jataka ou honshô) récit des vies passées du Bouddha. 10) Vailpulya (j. bibutsuryaku ou hôkô) : exposition des principes de vérité in extenso. 11) Adbhuta-dharma (j. abudatsuma ou mizo-u hô) : contes des prodiges réalisés par le Bouddha grâce à ses pouvoirs transcendantaux. 12) Upadesha (j. ubadaisha ou rongi) : discussions sur la doctrine, souvent sous forme de questions et de réponses (voir BEF n° 60 pages 6 à 8).

[xx] Pas de transmission du Bouddha et des patriarches (j. busso fuden) : pour les écoles du Zen l’éveil au cœur véritable du Bouddha se réalise par la méditation et non pas par la transmission du Bouddha et des maîtres.

[xxi] Vingt-huit patriarches sous le ciel de l’ouest (j. saiten nijû hassô) ou vingt-huit patriarche de l’Inde (j. tenjiku nijû hassô) : notion propre au Zen selon laquelle l’enseignement du vénéré Shakya se serait transmis en dehors des mots et des paroles à vingt-huit successeurs. Ces derniers sont les vingt-quatre successeurs, héritiers de la transmission du vénéré Shakya (Mahakasyapa, Ananda, Shanavashin, Upagupta, Dhitika, Mishaka, Vasumitra, Buddhanandi, Buddhamitra, Parshva, Punyayasha, Anabodhi, Kapimala, Nagarjuna, Kanadeva, Rahulabhadra, Samghanandi, Samghayathata, Kumalarata, Shayata, Vasubandhu, Manorata, Haklenayasha, Simhabodhi) auxquels viennent s’ajouter Bashashita, Punyamitra, Pajnadhara et Bodhidharma (470-532). Or, dans le sixième volume de la Tradition des causes et conditions des récipiendaires de la transmission, la transmission depuis le vénéré Shakya s’interrompit avec la décapitation du vingt-quatrième successeur, Simhabodhi (j. shishi sonja).

[xxii] Six patriarches sur la terre de l’est (j. tôdo no rokuso) : moines de haut rang qui ont propagé le Zen (Chan) en Chine : ce sont Bodhidharma, Huike, Sengcan, Daojin, Hongren et Huineng.

[xxiii] Sutra résolvant les doutes concernant la période de la Semblance du Dharma (j. zôbô ketsugi kyô) : Ouvrage en un fascicule dont le traducteur est inconnu.

[xxiv] Bodhidharma (j. bodaidaruma) : fondateur de l’école Zen (Méditation) en Chine. Originaire du sud de l’Inde, il serait le troisième fils d’un roi. Après avoir étudié le bouddhisme sous la direction de Prajñatara et avoir reçu de lui la transmission du Zen, il propagea le Grand véhicule en Inde. Plus tard, en 520, selon la tradition, il se serait rendu en Chine. Il avait déjà soixante ans. Après une entrevue avec l’empereur Wu ti, il alla au temple Shaolin sur le mont Sung où il resta immobile à méditer, le jour comme la nuit, face à un mur pendant neuf ans. Il prit Huike comme disciple ; ce dernier devenant par la suite le deuxième patriarche du Zen en Chine. Bodhidharma mourut en 528 (en 536 selon d’autres sources). Il reçut le titre posthume de Yüan chüeh Ta shih (j. engaku Daishi - Grand maître à l’éveil parfait) de l’empereur Tai tsung de la dynastie des Tang (618-907).

[xxv] Sutra de l’Entrée (du Bouddha dans le pays) de Lanka (s. lankavatara sutra, j. ryôga kyô) : sutra développant diverses théories mahayanistes, telles les huit consciences, ou la matrice de l’Ainsi-venant. Il est utilisé par les écoles de la Nature des dharma et du Zen comme un texte exposant leurs enseignements fondamentaux. Il existe trois traductions en Chinois de ce sutra. 1) Celle de Gunabhadra en quatre volumes, 2) Celle de Bodhiruci en dix volumes et 3) celle de Siksananda en sept volumes.

[xxvi] Nous sommes les seuls à pouvoir connaître et distinguer les deux alternatives du chaud et du froid (j. reidan nizu yuiji kakulyô) : il n’y a que celui qui boit l’eau qui sache si elle est chaude ou froide. Les écoles du Zen utilisent cette image pour la comparer à l’éveil du Bouddha qui ne peut être perçu que par soi-même. C’est quelque chose que l’on recherche soi-même et qui ne peut être enseigné par d’autres.

[xxvii] Phrase du troisième chapitre du Sutra du Lotus : “ Paraboles ”.

[xxviii] Méditation assise (j. zazen) : le mot “zen” est l’abréviation du mot “zenna”, translittération phonétique du mot sanskrit “dhyana” qui signifie méditation. La méditation correspond à la concentration (jô), l’une des trois sciences. Le Grand arrêt et examen décrit la posture méditative de la manière suivante : on s’assoit en posant le pied gauche sur le genoux droit, le pied droit sur le genoux gauche, de manière à ce que les deux pieds ne touchent pas le sol et on regarde le plafond. C’est une méthode de pratique dans laquelle on réfrène l’agitation de l’esprit et on calme sa pensée, créant les conditions pour rechercher la nature du Dharma et la nature du Bouddha. Zhiyi décrit cette pratique en tant que samadhi méditative permanente et l’a largement préconisée. Précisons qu’elle existait déjà en Inde avant l’apparition du bouddhisme et que Shakyamuni l’a lui-même pratiquée. C’est sans doute le zazen de Shakyamuni et de Tendai, que Nichiren Daishônin qualifie de racines et de prédisposition supérieures. Lorsque ces Bouddha et maître des périodes de la Rectitude et de la Semblance du Dharma observaient leur cœur, ils y voyaient le Bouddha. Par contre, lorsque les êtres de la période de la Fin du Dharma, tous de prédisposition et de racine inférieures, observent leur cœur, ils y n'y voient que leur cœur d'hommes ordinaires qu'ils prennent pour le Bouddha. C'est pour cette raison que Nichiren Daishônin qualifie le Zen de la Fin du Dharma de "Démon du ciel" qui pense "avoir obtenu ce qu'il n'a pas obtenu et attesté ce qu'il n'a pas attesté".

[xxix] Trois égarements (j. sanwaku) : 1) Egarements des vues et des pensées (j. kenji waku), 2) Egarements des poussières (j. jinja waku) et 3) Egarements de l’obscurité (j. mumyô waku).

[xxx] Quatre sagesses : quatre formes de sagesse sans écoulement (parfaites) dont est doté le Bouddha. Dans le Discours sur la théorie du Rien que conscience, traduction d’une œuvre de Vasubandhu, il est dit que l’homme ordinaire possède huit consciences et qu’au cours du processus qui le mène à la boddhéité, ces huit consciences se transforment en quatre sagesses. Ce sont : 1) La grande sagesse du miroir parfait (s. adarsa jñana, j. daien kyô chi)) : sagesse correspondant à la transformation de la huitième conscience et qui reflète tous les phénomènes comme ils sont dans les trois phases, comme un clair miroir, 2)Sagesse de la similitude des natures (de toutes les choses) (s. samata jñana, j. byôdô shô chi) : sagesse correspondant à la transformation de la septième conscience et qui voit l’égalité ultime de toutes les choses, de soi et des autres, 3) Sagesse de l’observation merveilleuse (s. pratyavek sana jñana, j. myôkan zatchi) :sagesse correspondant à la transformation de la sixième conscience et qui permet d’observer sans entrave tous les phénomènes et de prêcher le Dharma en interrompant les doutes et 4) Sagesse permettant d’accomplir ce qui doit être fait (s. krtya anusthana jñana, j. jôsho sachi) : sagesse correspondant à la transformation des cinq premières consciences (visuelle, auditive, olfactive, gustative et tactile) et qui permet de faire obtenir des bienfaits à tous les êtres ordinaires et aux deux véhicules en opérant diverses transformations. Zhiyi, lui, utilise les quatre sagesses décrites dans le Traité de grande sagesse qui sont : 1)Sagesse de la voie (j. dôe) : sagesse permettant de discerner la voie unique, 2) Sagesse des aspects de la voie (j. dôshu e) : sagesse permettant de communiquer avec toutes les différences apparaissant sur la voie, 3) Sagesse omnisciente (j. issai chi) : sagesse de la vacuité permettant de voir l’apaisement des choses et 4) Sagesse de tous les aspects (j. issai shu chi) : sagesse permettant de constater à la fois la vacuité de toutes les choses et leurs différences.

[xxxi] Enseigner sans un seul mot (j. ichiji fusetsu) : thèse du Zen selon laquelle le contenu du Dharma auquel se sont éveillés les Bouddha étant extrêmement profond, il ne peut être exprimé ni par des mots, ni par des lettres. Les prêches du Bouddha faits à l’égard d’auditeurs ne sont que provisoires. Du point de vue de l’éveil, il n’a jamais rien dit. Dans le cinquième rouleau du Sutra de l’Entrée (du Bouddha dans le pays) de Lanka, il est dit : “En une certaine nuit, j’ai obtenu le grand éveil. En une certaine nuit, j’entrerai dans l’Extinction. Entre temps, je n’ai prêché aucun mot. Je n’ai pas prêché avant, je ne prêcherai pas non plus après, ni ne prêche à présent”. Les écoles du Zen se fondent sur cette phrase pour établir leur doctrine de la négation des mots.

[xxxii] Deux doctrines du Dharma présent à l’origine et du Dharma attesté (j. honpô jihô no ni gi) : le Dharma présent à l’origine est le Dharma immuable et universel. Le Dharma attesté est le Dharma auquel s’est éveillé de lui-même le Bouddha. Ce Dharma auquel il s’est éveillé est le Dharma présent à l’origine.

[xxxiii] Le Sutra des Sens infinis.

[xxxiv] Don permanent (j. jôse) : interlocuteur du Bouddha dans le Sutra résolvant les doutes concernant la période de la Semblance du Dharma : Shakyamuni est dit avoir enseigné ce sutra à l’approche de son extinction, sur les bords de la rivière Hiranyavati, en réponse à une question du bodhisattva Don permanent. Décrivant l’aspect du déclin du bouddhisme mille ans après son extinction (période de la Semblance du Dharma), il exhorte le bodhisattva à pratiquer l’offrande dans cette période future.

[xxxv] Phrase du deuxième chapitre du Sutra du Lotus les “ Moyens ”, située juste après l’annonce faite par le Bouddha qu’il va abandonner les moyens pour ne plus prêcher que la voie sans supérieure.

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Traduit du Japonais par Gérard Purec
et Publié dans la revue Le Bouddhisme de l'Ecole Fuji
ecole-fuji@wanadoo.fr